L'océan sous haute surveillance

Aujourd'hui, l'océanographie change d'échelle et de stratégie. Pourra-t-elle ainsi répondre aux questions préoccupantes que pose l'avenir de la planète ?

Après les années 1980, qui ont été marquées par des découvertes océanographiques majeures (les résurgences hydrothermales ou les oasis abyssales), la mise au point de nouveaux procédés d'investigation (les sondages dits « surfaciques » ou le profilage sismique multitrace) et le lancement de submersibles à vocation scientifique capables d'atteindre des profondeurs réputées inaccessibles (le Nautile, le Shinkai 6500, ou les Mir-I et II), le tournant entre les deux décennies a vu le profond renouvellement des flottilles océanographiques grâce au lancement de quelques grosses unités (de plus de 80 m de longueur et de 3 000 t de déplacement).

Les axes majeurs de la recherche

Parmi les principaux bâtiments ainsi inaugurés, et qui sont souvent des brise-glace ou, au moins, des navires capables de se risquer au milieu de la banquise, on doit citer : le Polarstern (All.), le Charles-Darwin (G.-B.), le Maurice-Ewing (É.-U.), l'Hesperides (Esp.) et le Meiyo (Jap.). En 1990, la France a lancé l'Atalante (Ifremer), qui a effectué en 1991 ses premières campagnes en Méditerranée et dans l'Atlantique central.

Ce matériel flottant doit être associé aux satellites déjà mis sur orbite (ERS 1) ou attendant de l'être (Topex-Poséidon, CNES-NASA). Ces derniers fournissent en effet des données qui sont devenues le complément obligé des renseignements rassemblés par les navires, qu'il s'agisse du suivi des bouées automatiques, de l'altimétrie de la surface océanique (qui est l'image complexe de reliefs sous-marins ou de structures profondes), ou de l'estimation des transferts air-océan et de la biomasse planctonique, pour ne parler que de quelques axes majeurs de la recherche actuelle.

De très hautes performances

Par ses dimensions (84,6 m de long, 5 m de tirant d'eau, 3 300 t de déplacement) ; sa vitesse (maximum : 14,5 nœuds ; croisière : 13 nœuds), son habitabilité (25 chercheurs ; de 20 à 30 marins et techniciens), sa conception (250 m2 de laboratoires ; une informatisation totale), l'Atalante préfigure assez bien ce que sera la recherche océanographique du début du xxie siècle, tout comme la proche transformation de la flotte submersible (en partie automatique), qui sera capable d'atteindre des profondeurs de l'ordre de 10 000 mètres.

On devine alors les changements que ces nouveaux venus – et l'Atalante en premier lieu – entraînent ou entraîneront dans les recherches. Pour ce dernier, on peut déjà signaler : l'informatisation complète du navire grâce à une large bande « multiservice » (navigation, propulsion, acquisitions scientifiques) formant le « tronc commun » de l'information du bord (ses divers canaux sont accessibles de tous les postes de travail : passerelle, laboratoires, pont, cabines) ; l'automatisation des opérations (deux hommes – au lieu de neuf – suffisent pour effectuer un carottage) ; la possibilité d'embarquer la quasi-totalité du matériel connu (toutes sortes de bouées et de « poissons » remorqués), ainsi que des engins d'observation inhabités (Raie, Sar, Épaulard) ou encore les submersibles Cyana et Nautile, grâce à un rail de transfert sur la plage arrière. Enfin, un sondeur et un imageur d'avant-garde, l'EM 12 Dual, font de l'Atalante un laboratoire aux très hautes performances.

Un analyseur de fonds

Qu'elle porte sur la partie du fond levée pendant une campagne ou qu'elle concerne l'ensemble des océans de la planète, l'imagerie acoustique est devenue l'un des fils conducteurs de la compréhension du monde marin. Plane, ou même tridimensionnelle, elle s'applique à des domaines aussi différents que l'intérieur d'une masse d'eau (analysée par la « tomographie »), les structures géophysiques, la nature ou la configuration des fonds marins. Jusqu'à présent, la communauté océanographique dans son ensemble n'avait jamais ressenti à ce point l'urgente nécessité de connaître le détail des reliefs sous-marins traduisant les mouvements de coulissage ou de plongement des plaques lithosphériques et la forme exacte des passages profonds qui sont les voies « stratégiques » empruntées par les grands transferts de masses d'eau, d'énergie ou de faunes.