Des responsables politiques ont été tentés de suivre le vent. On a entendu successivement Édith Cresson accepter le principe de « charters » pour reconduire les étrangers indésirables ; Jacques Chirac évoquer les nuisances – et notamment « l'odeur » – provoquées par certaines familles immigrées ; Valéry Giscard d'Estaing dénoncer « l'invasion » et vanter « le droit du sang » ; Michel Poniatowski crier à « l'occupation », en prônant un rapprochement de la droite « traditionnelle » avec le Front national.

Ces dérapages plus ou moins contrôlés avaient pour but d'arracher des électeurs potentiels à Jean-Marie Le Pen. Mais ils ont donné l'impression de légitimer les thèses du dirigeant d'extrême droite et, finalement de le servir. L'intéressé lui-même remarquait, avec ironie, que les Français « préfèrent l'original à la copie ».

Le Front national a cependant fait entendre sa différence, à la mi-novembre, en rendant publiques « Cinquante mesures concrètes pour contribuer au règlement du problème de l'immigration ». Dans ce projet de programme, il se proposait, entre autres, d'instaurer « un contrôle sanitaire approfondi » aux frontières, d'expulser les chômeurs étrangers en fin de droits, de « démanteler les ghettos ethniques », de réviser les manuels scolaires pour en bannir « le cosmopolitisme » et de reconsidérer les naturalisations accordées depuis 1974. Ce brûlot a suscité de vives réactions dans la presse et les milieux politiques.

Depuis le début des années 80, le parti de M. Le Pen s'était, en quelque sorte, approprié l'immigration. À la fin de 1991, le sujet donnait l'impression de lui échapper, même s'il avait largement marqué le débat de son empreinte. Apparue comme le principal sujet de préoccupation des Français après le chômage, l'immigration intéressait tous les partis et constituait un thème électoral majeur.

Robert Solé
Après avoir été correspondant à Washington et à Rome, Robert Solé dirige actuellement le service Société du Monde.