L'Allemagne, elle, ne laisse plus planer de doutes quant à son engagement européen. Fin 89, de lourds soupçons pesaient sur les intentions du chancelier. Mi-décembre, Bonn avait reporté sine die la signature de la convention de Schengen en demandant son réexamen à la lumière des événements est-allemands. D'aucuns y voyaient le début d'un « virage » qui écarterait le gouvernement ouest-allemand de la route communautaire. La suite des événements les a détrompés. La convention de Schengen, qui complète l'accord du même nom signé en juin 1985, en énonçant les modalités pratiques de l'ouverture des frontières entre les pays du Benelux, la France et l'Allemagne, est finalement signée en juin 1990.

Affaires intérieures et extérieures

Unification monétaire le 1er juillet, unification politique le 3 octobre... Le processus d'unification des deux Allemagnes surprend par sa rapidité. Et si, au début de l'année, l'on s'interrogeait sur la manière dont la CEE allait pouvoir gérer cette nouvelle donnée, fin 90, le fait que l'ex-RDA appartient à la Communauté paraît naturel. Les Douze se sont tout simplement « agrandis » d'un nouveau territoire. Les cinq Länder qui composaient la RDA et les seize millions d'Allemands de l'Est ont rejoint de facto la Communauté.

Le phénomène le plus inquiétant pour les Douze reste le marasme des économies des pays de l'Est, un de ses corollaires étant la menace d'une immigration massive. Parallèlement aux aides bilatérales, la Communauté s'efforce donc de coordonner l'assistance. Dans un premier temps, seules la Pologne et la Hongrie sont concernées ; la Tchécoslovaquie puis la Bulgarie le sont ensuite. Mais c'est surtout l'Union soviétique − Moscou évoque la menace d'une famine et demande assistance − qui préoccupe l'Europe de l'Ouest. Lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre, à Rome, les chefs d'État et de gouvernement des Douze accordent à l'URSS une aide alimentaire d'urgence d'environ cinq milliards de francs, ainsi que des subsides aux autres pays de l'Est.

Ce Conseil européen − qui clôt la présidence italienne avant que les Luxembourgeois ne prennent le relais − est également l'occasion d'adopter une attitude commune très ferme sur l'Irak. Les Douze exigent le retrait des troupes irakiennes du Koweït avant le 15 janvier, dans la ligne de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Signe des temps : trois des quatre déclarations politiques de ce sommet sont consacrées aux problèmes du Proche-Orient...

Comme prévu, c'est à l'occasion de ce Conseil européen de Rome que les Douze mettent sur les rails l'union politique et l'union économique et monétaire, en donnant le coup d'envoi des deux conférences intergouvernementales destinées à réviser le traité de Rome. Les chefs d'État et de gouvernement se sont fixé pour objectif la ratification du nouveau traité avant fin 92, afin que son entrée en vigueur coïncide avec l'achèvement du marché unique, le 1er janvier 1993.

« Le plus difficile reste à faire », affirmait M. Gianni de Michelis, président en exercice de la Communauté, à l'issue du sommet. Mais le ministre italien des Affaires étrangères ne manquait pas d'évoquer les « progrès impressionnants » accomplis au cours des six derniers mois en affirmant : « Nous sommes partis de zéro... »

Marie-Pierre Subtil
Marie-Pierre Subtil est chargée des questions européennes au service de politique étrangère du Monde.