Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

À l'époque de la cohabitation, le projet ne fut pas discuté. Le Sénat ne s'en saisit qu'après les élections de 1988 et délibéra du livre premier, qui contient la partie générale, lors de plusieurs séances tenues entre le 9 et le 18 mai 1989. L'Assemblée nationale fit de même les 10, 11 et 12 octobre 1989 ; mais il faudra attendre encore quelques années pour que les textes ainsi examinés en première lecture deviennent le Nouveau Code pénal français. En effet, certaines règles constitutionnelles imposent que la partie générale du Code ne soit pas promulguée avant sa partie spéciale, laquelle comprendra, outre les deux « livres » déjà prêts, un « livre IV » relatif aux infractions contre « la paix publique et les institutions républicaines ». Le vote de cet ensemble ne pourra pas intervenir avant 1992.

La réforme du président

Les débats parlementaires ont révélé au grand jour les difficultés de l'entreprise. Les plus graves concernent l'utilité de la réforme : d'autres intéressent quelques nouveautés qu'on y trouve. En effet, le gouvernement et les rapporteurs ont eu quelque peine à fournir de fortes raisons propres à justifier le changement de Code. Ils se sont efforcés de montrer les défauts du Code de 1810. Son grand âge est un argument assez simpliste qui, de surcroît, condamnerait de nombreuses lois. Son plan est sans doute maladroit, mais moins que celui du Code civil et cela n'a jamais gêné personne. Il contient bien quelques incriminations critiquables, mais un petit nombre de retouches auraient pu j mettre bon ordre.

À l'opposé, un nouveau Code aurait l'avantage de faire une place plus grande aux Droits de l'homme ; mais, si la chose est nécessaire, elle suppose plutôt une réforme du Code de procédure pénale qui contient les règles présidant à la détention, à la garde à vue, à l'arrestation. On prête encore au projet le mérite de mettre en forme de loi des règles qui ne résultent encore que de la jurisprudence, c'est-à-dire des manières de juger habituellement suivies par les tribunaux. Toutefois, lorsqu'ils en furent à ce stade, à propos, par exemple, de la contrainte et de la légitime défense, les parlementaires découvrirent qu'on ne peut condenser en quelques lignes les solutions juris-prudentielles et même que, en modifiant des textes, on risque de détruire les règles qu'il s'agit précisément de conserver. Enfin, le nouveau Code devrait éviter au juge d'avoir recours à l'emprisonnement. Les institutions inventées depuis 1975 suffisaient pourtant à satisfaire cette ambition.

Soulignant toutes ces faiblesses, de nombreux professionnels du droit avaient clairement dit qu'ils n'avaient nul besoin d'un nouveau Code. Dès 1986, la Cour de cassation elle-même l'avait fait savoir par l'intermédiaire d'une commission restreinte dont M. Arpaillange, son procureur général, était alors membre.

Bref, lorsque, au printemps de 1989, s'ouvrit la discussion parlementaire, chacun se souvint que la réforme émanait de la seule volonté du président de la République. Il l'avait exprimée de façon assez inopinée à l'occasion des vœux pour le nouvel an de 1989 le Monde, 10 mai 1989), et les sénateurs et députés se déterminèrent en considération du désir présidentiel plus qu'en contemplant le texte offert à leur attention. Cette circonstance aggrava encore la politisation du débat. Le RPR opposa à la discussion parlementaire une « question préalable », tendant à empêcher tout débat, mais il n'y réussit pas. Les travaux du Parlement furent constamment marqués par l'opposition droite-gauche, et, fortement limités dans le temps, n'eurent guère de profondeur.

Quelques nouveautés

Les nouveautés finalement votées sont peu nombreuses, mais il en est une qui est très saillante : la responsabilité pénale des personnes morales. Il y a longtemps que celles-ci, c'est-à-dire les sociétés, associations, établissements publics, etc., peuvent conclure des contrats, plaider, être condamnées à des dommages et intérêts, mais, jusqu'à présent, sauf quelques exceptions comme celle de la réglementation de la concurrence, elles n'étaient pas susceptibles d'être inculpées, accusées et condamnées pour des infractions. C'est cette responsabilité nouvelle que le projet tend à introduire dans le droit français.