C'est toutefois dans le domaine de la lutte contre le Sida que l'Institut Pasteur mène aujourd'hui son action la plus spectaculaire. Alors qu'un contentieux franco-américain s'était développé sur l'antériorité de la découverte du virus du Sida, et surtout sur les brevets portant sur les tests de dépistage qui en découlaient, en raison de l'enjeu économique et financier en résultant, ce litige a été réglé définitivement au terme d'un accord intervenu en 1987 entre l'Institut Pasteur et le département de la Santé des États-Unis. Les représentants des deux parties ont même annoncé la création d'une Fondation franco-américaine pour favoriser la coopération internationale et la collaboration en ce domaine entre chercheurs du monde entier.

Physique : de la gravitation à la cinquième force

En physique, 1987 marquait le tricentenaire de la publication des Philosophiae naturalis principia mathematica, l'ouvrage magistral dans lequel Isaac Newton imputait à l'attraction universelle l'organisation de l'Univers. Trois siècles après Newton, les physiciens ne sont pas encore certains de connaître toutes les forces physiques fondamentales agissant dans la nature. Ils en ont identifié quatre : la gravitation, l'électromagnétisme, l'interaction nucléaire faible et l'interaction nucléaire forte. Mais, depuis janvier 1986, un groupe de physiciens américains affirme qu'il en existe une cinquième : il s'agirait d'une force répulsive, de deux à trois ordres de grandeur plus faible que la gravité, et d'une portée d'environ 200 mètres.

Contrairement à la gravité, la cinquième force ne se couplerait pas à la masse des objets, mais à leur nombre baryonique (pour un noyau atomique, ce nombre est égal au nombre total de nucléons). Son existence pourrait ainsi être mise en évidence par des expériences visant à vérifier, comme celles effectuées par le Hongrois Eötvös au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'égalité, aujourd'hui admise, de la masse gravitationnelle (ou masse pesante) et de la masse inertielle d'un corps donné. Alors que la première vague d'expériences, tentée en 1986, avait fourni des résultats contradictoires, une nouvelle série d'expérimentations, effectuée en 1987, semble accréditer l'hypothèse de la cinquième force, mais sans que les indices de son existence puissent être considérés comme indubitables.

Ce débat montre que l'Univers recèle encore bien des secrets. Cela aura été le mérite de Louis de Broglie, décédé le 19 mars, de contribuer, avec sa mécanique ondulatoire, au progrès des recherches concernant la structure intime de la matière. Mais, à grande échelle, les énigmes ne sont pas moindres, comme en témoigne le faisceau d'interrogations né de l'observation par les astronomes d'une brillante supernova, le 24 février, dans le Grand Nuage de Magellan.

La course aux supraconducteurs

Pour les physiciens, 1987 restera aussi l'année de tous les records dans le domaine de la supraconductivité « tiède ». Découverte par Kamerlingh Onnes en 1911, la supraconductivité est la propriété de certains corps de devenir, à très basse température, des conducteurs électriques idéaux, dépourvus de toute résistance. Les recherches visent aujourd'hui à mettre au point des supraconducteurs utilisables à des températures compatibles avec des applications industrielles.

Cela permettrait, par exemple, de résoudre le problème de réchauffement des conducteurs électriques, principale limitation actuelle des performances des ordinateurs. De même, on peut penser que, grâce à la supraconductivité, il deviendra enfin possible de banaliser le principe de la sustentation magnétique, de stocker de grandes quantités d'électricité dans des bobines géantes, ou encore d'assurer son transport à l'aide de conducteurs enterrés extrêmement fins, qui sonneront le glas des actuelles lignes à haute tension.

Les revers du progrès

Les enjeux considérables de la supraconductivité s'apparentent à ceux des nouveaux matériaux, déjà utilisés dans les secteurs de pointe et dont la mise au point annonce de profondes mutations technologiques, comme le démontre Claude Gelé.