Conscients que cette proposition obtiendrait un accueil favorable non seulement dans les zones ouvrières votant majoritairement pour la gauche, mais aussi dans une frange de leur clientèle électorale, l'UDF et le RPR durent renforcer leur alliance et infléchir leur programme, sans en altérer les principes, pour éviter, sur leur droite, une hémorragie de voix fatale à leur retour au pouvoir. Signée le 16 janvier 1986 par Jacques Chirac et par Jean Lecanuet, la « plate-forme pour gouverner ensemble du RPR et de l'UDF » ainsi que leurs « 20 engagements fondamentaux » traduisirent ces préoccupations : les travailleurs clandestins seraient condamnés, puis « reconduits aux frontières » ; les immigrés candidats au retour seraient incités financièrement à regagner leur pays d'origine ; les étrangers en situation régulière ne pourraient acquérir la nationalité française et l'exercice des droits civiques que par « un acte volontaire », tout en restant à l'abri de toute mesure d'expulsion. Ainsi étaient ménagées les aspirations d'un électorat nationaliste en évitant le plus possible les atteintes portées aux droits de l'homme.

Mais là n'était pas l'essentiel. Pour lutter contre le chômage, rendre compétitives les entreprises et relancer la production, l'Union pour la nouvelle majorité ne proposait pas de remettre en cause toutes les réformes votées au cours de la dernière législature : la décentralisation, les 39 heures, l'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans (mais seulement pour ceux qui le désiraient) et même l'abolition de la peine de mort étaient considérés comme des acquis irréversibles. Mais elle soumettait à l'approbation des électeurs tout un ensemble de projets dont la mise en œuvre devait émanciper l'économie et assurer le progrès social : libération immédiate des prix et, dans des délais très brefs, des changes ; abrogation des mesures réglementaires limitant le libre jeu de la concurrence, dénationalisation à terme de la totalité des entreprises du secteur concurrentiel, même si ces dernières étaient passées sous le contrôle de l'État dès 1945 (banques, sociétés financières et audiovisuelles, compagnies d'assurances, groupes industriels...) ; allégement de la fiscalité sur les capitaux (suppression de l'impôt sur les grandes fortunes...) et sur les revenus des particuliers et des entreprises (abaissement des tranches d'impôt, la plus élevée devant être ramenée progressivement de 65 à 50 p. 100 et la plus basse devant assurer l'exonération des foyers les plus modestes ; réforme de la taxe professionnelle...).

En somme, le programme de l'opposition RPR-UDF aurait pu se résumer par un slogan : « Moins d'État, mais un meilleur État ». Pour les partis d'opposition aspirant à gouverner, il s'agissait d'un État qui devait être d'abord le garant de libertés qu'ils considéraient comme essentielles : celle du père et de la mère de famille qui doivent avoir le libre choix du troisième enfant et de l'école grâce à des mesures fiscales et sociales incitatives et protectrices de leur niveau de vie ; celle de l'enfant et de l'adolescent auxquels des enseignants hautement qualifiés doivent assurer une formation culturelle et une promotion professionnelle à la mesure de leurs possibilités intellectuelles ; celle du citoyen auquel doit être garanti l'accès à l'information grâce à une presse écrite et audiovisuelle pluraliste libre de toute dépendance à l'égard du pouvoir en place ; celle de l'électeur enfin qui doit pouvoir choisir « son » député grâce au rétablissement du scrutin majoritaire de circonscription à deux tours. Mais un « meilleur État » c'était aussi pour l'opposition un État qui devait être garant de la sécurité intérieure et extérieure du territoire grâce à la redéfinition des tâches de la police, grâce à la renégociation des conventions d'extradition permettant l'arrestation, la condamnation ou l'expulsion des terroristes nationaux ou internationaux, grâce enfin à la modernisation de l'armée, notamment par la « diversification sans délai » de la force nucléaire stratégique.