En attendant, il est possible de dresser un premier bilan : la fouille, limitée sur trois côtés par les bâtiments du palais, a progressé d'est en ouest, comme la ville. Aux premiers coups de pioche, tout près du pavillon de Sully, apparaît un long mur orienté nord-sud qui marquait dès xiiie siècle la limite du domaine royal. À l'est de ce mur, détruit au xviie siècle, s'étendaient les jardins de Charles V, qui furent transformés en cour des Cuisines à partir du xvie siècle. Peu de constructions sur cette place, qui servait de desserte au château et sur laquelle les archives sont muettes. Le roi de France y avait là sa ménagerie dont on a retrouvé la fauconnerie : une fosse où furent enterrés, au xive siècle, des faucons et des gerfauts importés de Scandinavie, qui passaient alors pour les meilleurs oiseaux de chasse. Plus loin, un autre mur à bossages, exécuté sous Louis XIII par l'architecte Louis Le Vau, à qui le roi avait confié la réalisation du Grand Dessein ; ce mur doit être remonté in situ et intégré au musée. À l'intérieur du domaine royal, les archéologues ont trouvé des assises de sable provenant du creusement des fossés extérieurs du Louvre et, sous ce sable, les restes de la campagne antérieure aux travaux de Philippe Auguste : des haies, des taillis, une mare, quelques arbres fruitiers, des friches et des pâturages dont l'analyse palynologique a relevé la composition : des pissenlits ! Des cultures de céréales aussi, dont du blé sans aucun doute. Bref, rien de très organisé dans ce bocage. L'homme est présent dès l'âge du fer, mais son occupation s'intensifie au haut Moyen Âge. Il épierre ses champs, creuse des fossés de drainage et des tranchées pour délimiter les lopins ; il creuse encore pour extraire du sable, peut-être pour fabriquer des. tuiles. Ce paysan du haut Moyen Âge est, semble-t-il, grand amateur d'hélicidés, comme l'indique une fosse de l'époque mérovingienne remplie de coquilles d'escargots de Bourgogne.

Dès la construction du Louvre, le bocage disparaît au profit de la ville. Ce sont d'abord quelques cabanes dont le fond reposait directement sur les alluvions de la Seine, puis, très vite, des maisons urbaines à pans de bois et colombages construites sur des soubassements de pierre. Ces premières habitations bourgeoises qui ouvraient sur la rue Fromenteau étaient bien modestes, composées de deux pièces exiguës donnant sur un petit couloir muni d'un escalier qui menait aux étages. Elles ont été rasées – on ne sait pourquoi – dès le début du xive siècle. Seules les caves, qui en indiquent le plan, ont subsisté sous les niveaux d'occupation plus récents. Car la ville, telle que la découvre l'archéologue, n'est rien d'autre qu'un enchevêtrement de fondations, de caves, de remblais, de matériaux réemployés. Des centaines, voire des milliers de couches imbriquées les unes dans les autres, sont à répertorier, analyser, interpréter pour en tirer le maximum d'informations, avant que la fouille ne détruise ces pages d'histoire, afin d'en ouvrir d'autres plus anciennes et donc plus profondes, et de remonter ainsi le fil du temps jusqu'au sol géologique vierge. À l'est de la rue Fromenteau, les constructions du xviie siècle ont bouleversé les niveaux plus anciens. Au milieu de cette parcelle, on a dégagé les restes d'une belle salle voûtée reposant sur huit colonnes, qui faisait partie de l'hôtel de Souvré ; elle est coupée à son tour par une grosse canalisation datant de Napoléon Ier, dont on ignorait l'existence, et qui déversait vers la Seine le trop-plein du château d'eau du Palais-Royal. Sur le même alignement, deux maisons jumelles donnant sur une petite cour et connues par les archives, malgré leur brève existence (1620-1660), sous les noms de « maison de Sabot » et « maison du Portrait de Louis XIII ».

Au droit du pavillon Denon et du pavillon Richelieu passait autrefois la rue Saint-Thomas-du-Louvre ; sous les différents pavages qui ont disparu subsistait le tracé de l'ancien chemin de terre, marqué d'ornières et d'empreintes de sabots. Un passant, au xiie siècle, y a laissé tomber une pièce de monnaie. Le côté ouest de la rue n'était pas construit au Moyen Âge. Entre les dernières maisons et la muraille s'étendait une zone de jardins nommée la Petite Bretagne. Dans ce paysage semi-rural, se sont fixés quelques ateliers : un artisan qui travaillait le métal et qui a abandonné sur place des résidus de bronze, un fabricant de menus objets en os, des abattoirs... Plus loin, dans un jardin, un maraîcher avait semé des plantes potagères grimpantes ou planté des arbres fruitiers en espalier : les trous des poteaux destinés à soutenir le treillage subsistent.