Ensuite, et en particulier en France, on a un peu négligé la « bio-ingénierie ». La mise au point, en vraie grandeur, d'un procédé de laboratoire, peut en effet être longue et délicate.

Enfin, la chimie et le génie chimique continuent parallèlement de faire des progrès et, dans bien des cas, le procédé chimique est plus intéressant.

Les « manipulations génétiques » craintes naguère, sont désormais un outil parmi d'autres, utilisé dans les laboratoires de biologie. Alors qu'elle était systématiquement opposée au génie enzymatique, elle est à présent à son service, soit pour obtenir de nouvelles enzymes utilisées comme « médicaments » (alpha 1 antitrypsine, urokinase, etc.), soit pour transformer (bio-convertir) un produit donné, soit pour utiliser cette enzyme dans un « appareil » d'analyse.

Lorsque, en 1979, François Gros, François Jacob et Pierre Royer avaient rédigé leur rapport Sciences de la vie et société, ils pensaient, comme la plupart des décideurs français et étrangers, que les grandes découvertes et réalisations contemporaines concerneraient principalement le domaine de la santé. En effet, le niveau de la recherche, tant universitaire qu'industrielle, et la marge considérable entre le coût de la matière première et le prix de vente d'un médicament, permettent de financer la recherche industrielle, et donnent les moyens d'effectuer des investissements coûteux. En revanche, en agriculture, en agroalimentaire ou en chimie, les marges sont souvent beaucoup plus réduites et il est ainsi difficile pour les entreprises de financer une recherche presque fondamentale.

Fragile superbactérie

Tout comme les superplantes de la révolution verte ou les supervaches du Charolais, la superbactérie est fragile. Elle a besoin d'un environnement très précis et résiste mal dans la nature sauvage. Dans une éprouvette, même dans un grand fermenteur, il est possible de faire travailler une bactérie « recombinée », mais dans la nature, dans la mer sur une nappe de pétrole, dans le sol d'un champ de plusieurs hectares, ou dans un amas de détritus que l'on veut transformer en bon compost pour les fraisiers, la superbactérie est en compétition écologique avec les bactéries sauvages présentes sur les lieux. Elle ne survit pas et les recherches s'orientent vers la mise au point d'« aliments sélectifs » permettant aux bactéries sauvages, mangeuses de pétrole, fixatrices d'azote, ou fermentant bien le compost, de se multiplier rapidement et d'agir plus vite. Il y a toujours de fervents défenseurs de la superbactérie mangeuse de pétrole, et nous verrons qui gagnera dans les années à venir.

France Normand-Plessier
Biochimiste, collaboratrice de l'Institut Pasteur, France Normand-Plessier a été responsable de rubrique à la revue la Recherche et a contribué à la création de Biofutur. Rapporteur du programme mobilisateur Biotechnologie au ministère de la Recherche, elle s'est consacrée aux relations entre les laboratoires publics et l'industrie. Elle participe désormais aux travaux de la société Sanofi.