Pour ne pas être en reste, le président Reagan a lancé un ambitieux projet de station spatiale américaine, destiné à confirmer la suprématie technologique des États-Unis, comme naguère le programme Apollo de débarquement humain sur la Lune, engagé par John Kennedy en 1961. Dans son discours sur l'état de l'Union, le 25 janvier 1984, Ronald Reagan a demandé à la NASA de construire et de mettre en orbite dans un délai de dix ans une station habitée en permanence. Des partenaires étrangers (Europe, Japon, Canada...) ont été conviés à participer à ce projet grandiose, mais fort coûteux (8 milliards de dollars selon les estimations initiales).

Au terme d'un an d'études préparatoires, la NASA a arrêté, en mai 1986, la configuration de référence de la future station. Celle-ci, dite « à double poutre » (dual keel), comportera une ossature en treillis, rectangulaire, de 110 m de long et 44,5 m de large, avec, disposée parallèlement aux petits côtés du rectangle, une traverse centrale de 153,3 m d'envergure, portant en son milieu les modules pressurisés habitables et à ses extrémités les systèmes d'alimentation en énergie. Disposés en carrés, ces modules seront reliés les uns aux autres par leurs extrémités à l'aide de tunnels sas de passage.

Toutefois, ce n'est vraisemblablement pas avant 1997 que la station spatiale américaine pourra être utilisée selon cette configuration. Pour tenir l'enveloppe initiale de 8 milliards de dollars qu'elle s'est fixée, la NASA a dû réviser à la baisse son projet : dans une première phase, la station, dont la mise en place débutera, en principe, en 1993, se réduira à une simple poutre supportant deux modules pressurisés. Sa capacité initiale sera donc loin d'atteindre celle qui avait été envisagée primitivement.

Les ambitions de l'Europe

Les modalités de la contribution européenne à la station spatiale de la NASA faisaient encore l'objet de négociations à la fin de 1986. Les divers éléments que l'Agence spatiale européenne envisage de réaliser comprennent un module pressurisé destiné à être associé en permanence à la station, pour la réalisation d'expériences intéressant les sciences des matériaux, la physique des fluides et les sciences de la vie ; une plate-forme autonome comprenant un module pressurisé et un module de ressources, également destinée à des recherches en sciences des matériaux, physique des fluides et sciences de la vie ; une plate-forme méridienne destinée essentiellement à l'observation de la Terre ; enfin, une plate-forme non habitée, coorbitale avec la station, destinée à un vaste éventail de missions.

La contribution européenne s'exercera dans le cadre du programme Columbus, d'abord envisagé par l'Italie et l'Allemagne fédérale, puis adopté au niveau européen en 1985. En participant à la construction et à l'utilisation de la station de la NASA, les Européens entendent acquérir l'expérience qui leur permettra de mettre en place et d'exploiter leur propre station. Ce souci des Européens d'accéder à l'autonomie pour les missions d'intervention humaine en orbite explique aussi la mise en œuvre de deux autres grands programmes : Ariane 5 et Hermès.

Lanceur lourd, associant deux gros propulseurs d'appoint à propergol solide à un corps central équipé d'un puissant moteur à oxygène et hydrogène liquides, Ariane 5 offrira une capacité de lancement d'environ 4,5 t en orbite géostationnaire et de 15 t en orbite basse. Mis en service vers 1995, il permettra à l'Europe de maintenir sa compétitivité face aux lanceurs étrangers, notamment pour le lancement de vaisseaux habités.

Quant au programme Hermès, de conception française, il prévoit la construction de deux modèles de vol d'un avion spatial à ailes delta, de 18 m de longueur, 10 m d'envergure et 12 t de masse à vide, capable d'abriter de 4 à 6 astronautes et d'emporter 4,5 t de charge utile, qui sera satellisé sur orbite basse par Ariane 5 et reviendra se poser sur une piste d'atterrissage.

Les progrès accomplis depuis 25 ans dans la conquête de l'espace montrent que le défi lancé par les Soviétiques en 1961 a entraîné un mouvement irréversible, dont personne, à l'époque, n'aurait osé imaginer l'ampleur. De Gagarine à la navette spatiale, en passant par les grandes heures de l'exploration de la Lune, nous avons vécu les premiers pas de cette fabuleuse aventure. Mais l'épopée ne fait que commencer : l'avènement des stations habitées en permanence autour de la Terre et, après l'an 2000, le premier vol humain vers la planète Mars en seront les prochaines étapes majeures. S'il ne symbolise plus l'inaccessible, l'espace n'a rien perdu de son pouvoir de fascination et nourrira longtemps encore les rêves de l'humanité.

Philippe de La Cotardière
Écrivain et journaliste scientifique, vice-président de la Société astronomique de France, Philippe de La Cotardière a publié plusieurs ouvrages sur l'astronomie (l'Astronomie, Larousse, 1981 ; le Ciel et l'Univers, Nathan, 1983) et sur l'astronautique (la Conquête de l'espace, Larousse, 1983).