D'une façon générale, cette année 85 aura célébré ou confirmé le mariage de la publicité avec son époque et avec les Français. Un mariage qui se fait le plus souvent par institutions interposées. Mais la publicité tend à être polygame. On l'a ainsi vu convoler successivement (ou, pire, simultanément !) avec la télévision, avec le sport (chaque fois qu'un journaliste ou une caméra s'intéresse à une compétition, la publicité aussi), avec l'entreprise (les campagnes « institutionnelles » portant sur le nom de l'entreprise et ses aspects particuliers), avec les PTT (décollage du Marketing Direct), avec l'État (qui se trouve être le plus gros annonceur de France, à travers l'ensemble des ministères), avec l'art (les actions de parrainages culturels se multiplient), avec la politique (le « marketing politique » est entré dans les mœurs, même en période non électorale)...

Quand l'image tient lieu de réalité

Contrairement à ce que l'on peut croire, la publicité n'est pas destinée à la vente. Ou plutôt, elle ne peut atteindre cet objectif qu'indirectement. Les moyens dont elle dispose ne lui permettent, au mieux, que de mettre l'acheteur potentiel d'un produit dans une disposition d'esprit favorable à l'acquisition de ce produit. La différence peut paraître mince ; elle est pourtant fondamentale, car elle situe très précisément le rôle des deux forces en présence. La personne exposée à la publicité est indéniablement influencée dans un sens plus ou moins positif, et d'une façon plus ou moins consciente ; mais c'est elle qui, en dernier ressort, va décider de son comportement. Quant à la publicité, elle ne fait que créer une image du produit qu'elle supporte. Tout son art (et son efficacité) est de faire que cette image soit peu à peu associée au produit de façon suffisamment forte et favorable pour que celui-ci retienne d'abord l'attention, puis apparaisse comme préférable à ses concurrents lorsque le consommateur est en situation d'achat ou lorsqu'il décide (chez lui, par exemple) du produit qu'il va acheter.

La publicité est donc, avant tout (et peut-être seulement), créatrice d'images, non seulement au sens visuel du terme, mais surtout dans le sens de l'image de marque, celle qui s'imprime dans nos mémoires et qui concerne la perception globale que nous avons d'un objet. Si l'on élargit cette réflexion, on s'aperçoit que toute l'information que nous recevons quotidiennement par les différents médias (presse, radio, télé, publicité, etc., mais aussi conversations que nous avons, choses que nous voyons ou que nous entendons dans notre environnement) contribuent à créer l'image que nous nous faisons des choses, des objets, des idées ou des gens. C'est en fait l'accumulation de ces multiples signaux qui constitue ou modifie peu à peu notre opinion, nos jugements, nos attitudes, en se frottant bien sûr aux composantes de notre personnalité, à notre : expérience.

Il n'y a donc pas de différence essentielle entre la publicité et la communication en général. Le discours d'un homme politique a, au fond, les mêmes buts qu'un spot télévisé ou une affiche : nous séduire, nous convaincre, nous donner envie d'adhérer à sa personne ou à ses idées. Il en est de même dans une moindre mesure chaque fois qu'il y a communication entre des individus. Simplement, les méthodes utilisées sont alors moins « professionnelles », plus empiriques.

Tout se passe, en fait, comme si la réalité ne pouvait être perçue dès lors qu'elle est « médiatisée ». Qu'on le veuille ou non, c'est l'image qui, dans beaucoup de cas, tient lieu de réalité. Un phénomène largement amplifié dans la société contemporaine, où les médias prennent une place croissante. On peut se féliciter ou s'inquiéter de cette civilisation de l'image de marque ; mais il faut savoir qu'elle est probablement irréversible. En plébiscitant la publicité, c'est en fait un nouveau type de société que les Français reconnaissent aujourd'hui.

Gérard Mermet