Journal de l'année Édition 1986 1986Éd. 1986

Inaugurée en mars 1985, la Géode a été conçue par l'architecte Adrien Fainsilber ; c'est une sphère de 36 mètres de diamètre dont la peau extérieure est composée de 6 433 triangles sphériques, identiques, en acier inoxydable brillant.

Elle enveloppe une salle de spectacles de 370 places où le spectateur est entièrement immergé dans l'image et le son. L'écran géant hémisphérique qui recouvre la paroi interne de la Géode a une surface de 1 000 m2 : il est donc le plus grand du monde. La salle et l'écran sont inclinés à 30 degrés par rapport à l'horizontale, et le spectateur est à demi allongé dans de luxueux et confortables fauteuils.

Pour assurer le spectacle sur cet écran géant, la Géode dispose d'un projecteur d'un type très particulier, selon le procédé appelé Omnimax, mis au point il y a quelques années au Canada. Ce projecteur utilise un film cinématographique dont la pellicule a 70 mm de largeur, et où les images défilent dans le sens de la longueur. La lampe de projection a une puissance de 15 kW, soit dix fois plus qu'un projecteur d'une grande salle normale : il faut alors refroidir le système par un circuit interne d'eau. La projection se fait par une optique « œil-de-poisson » dont les déformations habituellement inévitables sont ici corrigées par la sphéricité de l'écran.

À ce dispositif s'ajoutent 40 projecteurs classiques de 1 kW chacun, qui permettent de couvrir à l'aide de diapositives presque tout l'écran, un autre projecteur de cinéma 35/70 mm, deux lasers, des matériels de projection variés, l'ensemble étant sous le contrôle d'un système informatique. Quant au son, il est diffusé à partir d'une bande magnétique multipiste et est réparti entre une vingtaine d'enceintes acoustiques, permettant d'atteindre dans la salle un niveau sonore de 120 décibels.

Bien sûr, toutes ces techniques sophistiquées ont coûté très cher : avec le coût du tournage du premier film français en Omnimax (mais dont la mauvaise qualité a interdit la projection), on dit que le prix total de la Géode serait de l'ordre de 150 millions de F. Pour moins de 400 places, cela met le fauteuil à près de 400 000 F. Mais le résultat en vaut la peine : Paris ne disposait pas encore d'un tel système, qui s'intègre dans un réseau mondial d'une cinquantaine de salles utilisant le même procédé (situées aux États-Unis, au Canada, au Mexique et au Japon ; une autre salle comparable existe en Europe, aux Pays-Bas). L'ensemble architectural est d'une réussite absolue, s'intégrant dans ce grand projet de la Villette, qui transforme déjà complètement un quartier de Paris jusque-là assez défavorisé.

Pour utiliser au mieux les possibilités de la Géode, il est préférable de réaliser des films spécifiques, avec des effets spéciaux impressionnants, grâce à des caméras ayant un angle de vision de près de 180 degrés ; le prix de revient de ces films est évidemment très élevé, aussi s'agit-il en général de coproductions décidées en accord avec les autres salles mondiales disposant du procédé Omnimax. Dès cette année, une équipe française a réalisé un film exploitant ce procédé, l'Eau et les hommes.

L'ensemble de ces investissements commence à se rentabiliser : 70 % des sièges disponibles sont loués, pour des séances se succédant toutes les heures environ, et les attentes sont longues pour les séances des week-ends. Si bien que 350 000 spectateurs se sont déjà rendus en neuf mois à la Géode, qui devient ainsi un élément nouveau pour les touristes, indispensable dans le circuit de visite de Paris et un lieu supplémentaire de grand spectacle pour les Parisiens.

Jacques Gualino