Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Certes, l'opinion des Français en la matière demeure nuancée. Ils refusent la brutalité d'une chirurgie industrielle qui laisserait trop de travailleurs sur le carreau. De même se prononcent-ils en faveur d'une lutte contre le chômage plus active. Mais un consensus assez large existe pour penser qu'une politique économique d'effort et de rigueur est aujourd'hui la seule possible.

Opposition : le vent en poupe

L'impopularité du pouvoir est due, en particulier, à la querelle scolaire. Une majorité de Français a été convaincue que la loi Savary constituait une « atteinte aux libertés » et son retrait a été ressenti comme une victoire de l'opposition.

Fin 1984, les premiers sondages pour les législatives de 1986 montrent une droite gagnante dans les grandes largeurs. En octobre-novembre, elle était créditée de 58 % des intentions de vote par BVA et la SOFRES. Les deux tiers des Français sont convaincus du retour au pouvoir de la droite en 1986 (Gallup-Express).

Autre signe de la montée en puissance de l'opposition : en octobre, pour la première fois, les Français considèrent qu'elle représente plus « l'avenir » (42 %) que le « passé » (35 %) [BVA-Paris-Match], mais 44 % d'entre eux (contre 38 %) jugent qu'elle n'a pas de « politique de rechange » à proposer (BVA-Paris-Match). L'opposition n'offre pas actuellement « une alternative crédible », disent encore 41 % des électeurs (contre 31 %) [Gallup-Express]. À l'évidence, les Français n'attendent pas de miracles du retour aux affaires du couple UDF-RPR. Pour autant, ils pensent qu'une nouvelle alternance serait « une bonne chose » pour toutes les catégories sociales, mis à part les ouvriers (SOFRES-quotidiens de province).

Le manque de crédibilité de l'opposition, qui bénéficie surtout du mécontentement antigouvernemental, explique sans doute la réaction des Français face à une dissolution de l'Assemblée nationale. Alors que celle-ci était ardemment demandée par Jacques Chirac, il n'y avait, en août, que 34 % des électeurs partisans de législatives anticipées (SOFRES-Figaro). Les Français ne sont pas jusqu'au-boutistes. En majorité, ils voient d'ailleurs d'un bon œil la perspective d'une future « cohabitation » d'un président de gauche avec une majorité parlementaire de droite. Il se trouve même 48 % des électeurs (contre 32 %) pour souhaiter que la nouvelle majorité de droite « négocie » alors son programme avec François Mitterrand (SOFRES-Figaro).

La montée de Raymond Barre

1984 aura été faste au dernier Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing. Au début de l'année, Jacques Chirac apparaissait nettement comme le meilleur présidentiable de droite. Fin 1984, voilà Barre au même niveau que le leader du RPR : en septembre, il est considéré comme le meilleur candidat à l'Élysée par 23 % des Français contre 22 % pour Chirac (BVA-Paris-Match).

Des trois principaux présidentiables de l'opposition, il est jugé comme le plus « sympathique » et comme celui qui ferait le plus « un bon président de la République » (SOFRES-le Point). Encore l'opinion des Français demeure-t-elle réservée à son égard. Seulement 37 % éprouvent « beaucoup » ou une « assez grande » sympathie pour lui. Et on ne trouve que 39 % d'électeurs (contre 50 %) pour estimer qu'il ferait un bon président. Autre sujet d'étonnement : les Français ne sont pas convaincus que le leader le plus populaire de l'opposition ferait mieux que Mitterrand à l'Élysée. C'est le point de vue de 31 % des électeurs, 32 % estimant qu'il ferait « sensiblement pareil » et 26 % « moins bien » (BVA-Paris-Match). Car, si les Français lui font majoritairement confiance pour « redresser l'économie française », ils ne croient pas qu'il serait apte à « maintenir le pouvoir d'achat » (SOFRES-le Point).

On le voit, si l'opposition est fondée à se féliciter de l'évolution de l'opinion publique, elle aurait tort de négliger le scepticisme dont font preuve les Français à l'égard de l'ensemble de la classe politique. 82 % d'entre eux pensent que « les hommes politiques ne disent pas la vérité » et 54 % qu'ils « disent tous la même chose » (SOFRES-le Monde). Une profonde méfiance dont les gouvernants, quelle que soit leur couleur politique, sont les premières victimes.

Éric Dupin