Journal de l'année Édition 1984 1984Éd. 1984

Et, cependant, les éditeurs exploitent encore peu notre patrimoine national, à l'exception d'une nouvelle collection d'Armand Panigel (dont chaque cassette est accompagnée d'un vrai livret). Quelques titres édités par ailleurs cette année nous donnent envie d'en voir plus, c'est le cas de Quai des brumes et Les enfants du paradis, de Marcel Carné, La règle du jeu, de Jean Renoir, Crésus, l'unique film réalisé par Giono, et de presque toute l'œuvre de Tati.

Regrets

Du côté des enfants, 1983 a été marquée par les Schtroumpfs, animation belge qui mène la vie dure aux Albator ou Goldorak (Japon) et, trop rares, Walt Disney en vidéo. Par ailleurs, plusieurs tentatives de magazines sont mort-nées. Un seul, Electric Blue (érotique), importé d'Angleterre, paraît régulièrement et avec succès. Cette année encore, le théâtre et les concerts n'ont pas mobilisé les vidéophiles.

Par contre, les variétés se multiplient dans le désordre, sans notions de collection. Souvent, il s'agit de clips (bandes de production) tournés par les sociétés de disques, d'enregistrement TV, plus rarement vidéo.

Seule, la collection Témoins, de Danièle Delorme, apporte à la vidéo des produits spécifiques, avec des réalisations très inégales. Parmi les plus intéressantes : Jean Genet, par Antoine Bourseiller ; Charles Trénet, par Jacques Ertaud ; et surtout, Anthony Burgess, par Klauss Scheidsteger et Thierry Filliard.

Ne fermons pas cette année de vidéo sans accorder une mention spéciale à un document admirable, Le mystère Picasso, d'Henri-Georges Clouzot, en souhaitant que plus d'éditeurs aient le courage de nous offrir des cassettes en version originale.

François Cazenave

Radio

Les radios locales relancent le jeu

Près de 800 radios locales — sur 1 700 projets — auront donc une existence légale en cette fin d'année 1983 : ainsi en a décidé la Haute Autorité de l'audiovisuel, suivant la loi du 29 juillet 1982 portant sur la réforme de la radio-télévision. C'est un événement : la France jacobine se donne enfin les moyens d'une décentralisation de la communication par la voie des ondes. Elle rattrape un retard considérable par rapport à ses voisins européens et ses équivalents américains, elle inaugure ainsi un espace audiovisuel, placé, notamment, sous le signe du câble et du satellite.

Cette libéralisation des ondes et des fréquences, réalisée sur la modulation de fréquence (de 88 à 104 mégahertz), provoque une onde de choc redoutée, reniée à l'avance par les radios traditionnelles et inattendue pour les intéressés : la montée de l'écoute de toutes les radios FM s'effectue au bénéfice des chaînes publiques (comme France-Musique et les radios décentralisées de Radio France — Radio-Puy-de-Dôme naît cette année) ou des radios thématiques (Radio-Diapason, vouée au classique sur la région parisienne, par exemple). Le public découvre soudain la bande de fréquence modulée (FM ou MF) de son récepteur, bande jusque-là presque déserte. Et, en recherchant par curiosité telle station, l'auditeur rencontre des programmes qui retiennent son attention et suscitent de sa part une attitude nouvelle. C'est ainsi qu'un Français sur cinq a déserté les radios des grandes ondes — France-Inter, RTL, Europe 1 ou RMC — au profit d'une radio locale, privée ou publique selon un sondage Ipsos publié en juillet par le Point.

Contrariété chez les uns, à commencer par les nouvelles stations : les plus originales se rendent compte que le style music and news — disques et informations brèves — est payant avec le confort d'écoute de la modulation de fréquence, en région parisienne, NRJ et 95,2 FM et RFM à Vélizy ou CVS à Versailles. Perplexité chez les autres qui, jusque-là, s'efforçaient de minimiser le phénomène radios locales.

Comment les radios traditionnelles répondent-elles à cette nouvelle donne ? À Radio-France, le président Jean-Noël Jeanneney, qui se félicite de la remontée de France-Musique, reste préoccupé de la position de France-Inter. Il charge Jean Garretto — producteur de L'oreille en coin et créateur de FIP — de mener à bien la réforme indispensable du programme. Celui-ci revient à l'idée de différence, qui avait prévalu il y a quelque temps, mais qui avait été délaissée dans la compétition entre France-Inter et ses voisines des ondes longues. Le ton change bientôt sur l'émetteur d'Allouis : la tranche du matin, vouée à l'information, est désormais animée par Philippe Caloni, précédemment à France-Musique. Mais ce sont les programmes de l'après-midi qui font, les premiers, l'objet de la réforme Garretto. Refusant le cadrage horaire des émissions, Jean Garretto préconise plutôt les pleins et les déliés, c'est-à-dire un alliage de moments radiophoniques de forte intensité (Boulevard de l'étrange, Quotidien pluriel) avec des instants plus légers (Drôle de trame, Zorro de conduite). Au passage, France-Inter renoue avec le feuilleton et les enregistrements d'archives (Y a pas d'boulot plus rigolo).