Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

Et pourtant non : la France avait, avant François Mitterrand, quatre engagements internationaux principaux. Tous sont maintenus et confirmés. Ils s'expriment de manière différente, avec un style symbolique, des références personnelles certes, mais le chef de l'État socialiste les valide complètement.

La France était membre de la communauté atlantique. Elle s'en montre un partenaire aussi loyal que par le passé et plutôt plus aimable. Pour Washington, qui simplifie toujours un peu les subtilités raciniennes de la politique française, cela a constitué une divine surprise. Comment un gouvernement comportant quatre ministres communistes peut-il défendre des positions aussi vigoureuses à propos de l'équilibre des armements ? Peut-être, justement parce que, du fait de l'alliance interne avec le PC, l'alliance extérieure avec les États-Unis en est plus nécessairement réaffirmée.

Paris a aussi une appartenance à la fois malcommode et décisive à la Communauté économique européenne. Une politique économique, financière et monétaire aussi hétérodoxe que la sienne (par rapport aux normes bruxelloises) aurait pu provoquer des tentations protectionnistes. Pour le moment au moins, cela n'a pas été le cas. Il est certes question de « reconquête du marché intérieur français », ambition tout à fait légitime. Mais les ministres à l'origine les plus réservés vis-à-vis de l'Europe — comme Jean-Pierre Chevènement, l'excellence la plus à la mode de l'année — se sont montrés jusqu'à présent d'une très grande discrétion.

Continuité

La dissuasion nucléaire indépendante, de son côté, a été plus que maintenue, magnifiée. Charles Hernu, le ministre de la Défense nationale, l'a célébrée dès son entrée en fonctions. La construction d'un septième sous-marin lanceur d'engins a été annoncée dès novembre 1981, les essais de Mururoa se sont poursuivis, l'arme à neutron n'a même pas été définitivement écartée. La gauche socialiste a opéré là-dessus, en peu d'années, une métamorphose qui ne comble d'ailleurs sans doute pas d'aise ses militants les plus juvéniles, mais rassure les membres de l'OTAN. Et, à aucun moment, François Mitterrand n'a laissé percer la moindre tendresse pour le mouvement neutraliste, qui imprègne pourtant nombre de partis socialistes européens.

Enfin, la coopération africaine, qu'il était au départ question de décoloniser, a, au fil des mois, paru peu différente de celle qui existait auparavant. Le voyage du président de la République au Niger, au Sénégal, et en Côte-d'Ivoire (en mai) n'a marqué aucune rupture. Bref, même si le climat de son déplacement antérieur en Algérie avait été plus chaleureux que celui que Valéry Giscard d'Estaing y avait rencontré, cela ne semble pas capital et ne sort pas, en tout cas, du cadre des différences logiques qui existent en politique étrangère d'un président à l'autre.

Si l'on tient compte enfin de ce que la crise libanaise, avec l'invasion israélienne, a été l'occasion pour François Mitterrand de démontrer sa volonté d'équilibre — il a défendu la vocation politique de l'OLP ; si l'on se rappelle que, à propos des rapports Nord-Sud ou bien de la réduction des armements dans le monde, la France de Valéry Giscard d'Estaing avait manifesté des soucis assez semblables à ceux de la France de François Mitterrand ; si l'on enregistre, après le sommet de Versailles et la déception qui est née de l'égoïsme monétaire américain, une détérioration prévisible et logique des relations entre Paris et Washington, dont les politiques économiques se situent exactement aux antipodes l'une de l'autre, on voit bien que, dans ce domaine-là aussi, la continuité l'emporte.

Il n'y a, à vrai dire, ni à s'en étonner vraiment ni moins encore à le regretter. Dans tous les pays influents, la politique extérieure et les institutions constituent un domaine largement commun aux majorités et aux oppositions. C'est en France la Ve République qui aura peut-être acclimaté cela.

Tensions et polémiques

En revanche, bien sûr, que de différences substantielles dans le domaine économique, social, administratif et politique, et quel climat de tensions et de polémiques ! Les relations entre la nouvelle majorité et la nouvelle opposition sont très vite devenues détestables.