Avec le temps, le ministère s'efforce d'éviter ces erreurs. Pour la rentrée 1982, le système des doublettes ne sera pas reconduit. Les enseignants concernés auront le choix entre achever leur formation en 1982-1983 ou prendre une classe à plein temps et recevoir une formation complémentaire adaptée. D'autre part, on s'efforcera de mieux définir les zones d'éducation prioritaires et d'associer à cette affaire les institutions locales, qu'il s'agisse des services d'autres ministères (Santé, Travail, Agriculture, Équipement) ou des chambres de commerce et de métiers. Un projet devra être mis au point, et une équipe d'animation sera constituée.

Parents et enseignants

S'il s'adresse beaucoup aux enseignants — à travers leurs syndicats —, Alain Savary ne néglige pas totalement les usagers de l'enseignement, les parents : c'est à eux que sont destinées les nominations d'instituteurs pour éviter les fermetures de classe. Malgré la résistance de nombreux enseignants, Alain Savary décide que « les parents doivent pouvoir demander périodiquement des explications sur les méthodes d'enseignement et même les contester ». Une circulaire dans ce sens, invite les chefs d'établissement à organiser des rencontres entre parents et enseignants, qui peuvent porter sur les problèmes de fonctionnement des établissements, mais aussi sur la vie de la classe, les programmes, les objectifs pédagogiques poursuivis et les méthodes employées. Sur ce plan, un dégel, encore limité, commence à se manifester. Si le Syndicat national des instituteurs reste hostile à toute intrusion des parents, le Syndicat national des enseignements de second degré (affilié aussi à la Fédération de l'éducation nationale) se montre plus conciliant. Un effort est entrepris pour assouplir le système d'orientation des élèves dans l'enseignement secondaire.

Les défenseurs de l'école libre et de l'école laïque se comptent

Cent mille personnes assistent le 24 avril à un rassemblement organisé par les Associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) de la région parisienne. Les défenseurs de l'enseignement privé y reçoivent l'appui de Mgr Lustiger archevêque de Paris, qui « soutient le légitime désir des parents de disposer d'une école qui puisse se dire catholique », et d'une ribambelle de personnalités de l'opposition qui y voient de quoi alimenter leur offensive contre le gouvernement. Deux semaines plus tard, le 9 mai, c'est le Comité national d'action laïque (CNAL) qui réunit au Bourget deux cent mille personnes, dont beaucoup d'enseignants. Une fête de famille, qu'on s'attend à concélébrer en compagnie de ministres amis ; aux socialistes Pierre Mauroy, Alain Savary, Louis Mexandeau (ex-porte-parole du PS en matière d'éducation), André Henry (ex-secrétaire général de la FEN) et Yvette Roudy, se sont joints les communistes Anicet Le Pors et Jack Ralite. Mais les militants laïques y éprouvent quelque déception. Le Premier ministre et celui de l'Éducation promettent d'enrayer « la dégradation de l'environnement public ». Mais Pierre Mauroy réaffirme « le droit à l'existence de l'enseignement privé », le refus d'une opération « autoritaire ». Alain Savary rappelle certaines responsabilités de l'école publique : « Beaucoup de parents, dit-il, choisissent l'enseignement privé parce qu'ils cherchent une autre école qu'ils espèrent meilleure, plus adaptée à son temps. » Les promesses de respecter les différences ne suffisent cependant pas à l'enseignement libre, qui tient à la reconnaissance de son « caractère propre » et à l'aide financière de l'État, tout en se battant sur le principe de la défense de la liberté de choix. Une affaire difficile pour le gouvernement qui ne veut pas s'aliéner les catholiques, mais ne peut décevoir les enseignants de gauche.

Réorganisation

Alain Savary, dès son arrivée, réorganise l'administration : changement de personnel d'abord, changement de structures ensuite. Treize recteurs (sur vingt-sept) sont remplacés dès la fin du mois de juillet 1981, notamment ceux des académies d'Aix-en-Provence, Lille, Bordeaux, Rennes et Versailles, parmi les plus importantes. Cinq autres le seront à l'automne. « Les recteurs, dit le ministre, doivent être les artisans d'une réforme profonde. Ils doivent appliquer la politique du gouvernement, mais aussi agir pour les administrés. » Sont notamment remplacés des recteurs qui avaient exercé des responsabilités politiques ou avaient été candidats aux élections sous l'étiquette giscardienne. Ce renouvellement se passe sans beaucoup de vagues. Les nouvelles nominations suscitent quelques protestations du côté de l'ancienne majorité. Mais un seul recteur démissionne, Rolande Gadille, de l'académie de Reims.