Monnaie

La double dévaluation du franc

Deux dévaluations ont affecté le franc durant la première année d'exercice de la majorité issue des élections législatives de juin 1981. L'une, le 4 octobre 1981, entraînant un réaménagement des parités du système monétaire européen avec un écart de 8 1/2 % entre le franc français et le mark (3 % de dévaluation du franc, 5 1/2 % de réévaluation du mark), l'autre, le 12 juin 1982, se traduisant par un nouveau décrochage du franc de 10 % par rapport au mark (5,75 % de dévaluation du franc et 4,25 % de réévaluation du mark).

Ces deux opérations s'analysent de façon différente et doivent être dissociées de la hausse vertigineuse du dollar pendant la même période.

Dollar

Le phénomène dollar, même pris comme point de référence pour témoigner des difficultés du franc, doit être en effet traité isolément.

La hausse de la monnaie américaine résulte moins en effet de l'évolution profondément divergente des politiques économiques des États-Unis et de la France que de la multiplicité des facteurs politiques, économiques et techniques qui jouent en faveur de la hausse du dollar. Certes, la hausse des prix a été ramenée au 30 mai dernier à 6,25 % sur un an aux États-Unis, alors qu'elle était encore de 14,1 % pour la France.

Mais, dans le même temps, la production industrielle chute de 7,2 % outre-Atlantique contre 0,7 % en France, le taux de chômage atteint 9,5 % contre 8,8 % en France, et la balance commerciale américaine s'est détériorée malgré le ralentissement des importations. La hausse du dollar résulte, dans ces conditions, d'un facteur déterminant : les besoins de capitaux aux États-Unis et dans le monde.

Le projet de budget 1982-1983 adopté au bout de six mois de négociations entre la Maison-Blanche et le Congrès américain se solde par un déficit de 100 milliards de dollars, auquel il faut ajouter celui des collectivités locales et l'endettement des entreprises américaines. Ces dernières représentent aujourd'hui 56 % du total des emprunts effectués sur le marché américain, contre seulement 19 % il y a cinq ans. Joint aux difficultés des organismes financiers spécialisés et à la certitude que l'inflation redémarrera avec la reprise économique, ce besoin de financement freine d'autant plus la baisse des taux d'intérêt que les autorités monétaires serrent les cordons de la bourse pour éviter tout dérapage.

Situation analogue sur le plan international, où le volume des emprunts bruts tourne aujourd'hui autour de 2 000 milliards de dollars, soit plus du double par rapport à 1977. Sur un solde net de 1 000 milliards de dollars après remboursement, plus de la moitié sont dus par les pays en voie de développement dont l'essentiel par les pays d'Amérique latine : Brésil, Argentine, Mexique. La liste s'allonge des pays qui se trouvent dans l'incapacité d'honorer leurs engagements, ne serait-ce que sur les intérêts des dettes : Turquie, Pologne, Roumanie, Costa-Rica, Zaïre, etc. Ils demandent les uns après les autres un étalement des remboursements. Les besoins demeurent toujours importants, ce qui maintient la pression à la hausse des taux d'intérêt.

Sous cette double demande, nationale et internationale, le dollar n'a cessé de progresser. Il passe, vis-à-vis des 15 monnaies internationales les plus représentatives, de l'indice 107,3 en mai 1981 à l'indice 114 un an plus tard, alors que, dans le même temps, les taux d'intérêt bancaires aux États-Unis revenaient de leur niveau le plus élevé de 21,60 %, atteint en mai 1981, à 13,75 % un an après, n'accompagnant que faiblement la décélération de l'inflation qui de 14 % est ramenée à moins de 6 %.

La hausse du dollar a donc pesé sur l'ensemble des pays industriels, renchérissant du même coup leurs importations (pétrolières notamment) et ajoutant ainsi, par le prélèvement opéré et par la hausse des taux d'intérêt en découlant, un facteur supplémentaire de ralentissement de l'activité économique.

Ajustement

Les principaux partenaires commerciaux de la France s'étant soumis à cette discipline imposée de l'extérieur, la politique française consistant à assumer le redressement de la situation de l'emploi par une mini-relance a provoqué un déséquilibre sur tous les éléments d'appréciation du franc.