Cette orientation nouvelle se dessinait depuis des années. Le style et les injonctions de Jean-Paul II ont accéléré l'évolution. « Il est temps, dit encore le cardinal Etchegaray, que nous soyons plus attentifs à ces couches populaires. » Par ailleurs, il lance l'idée d'une assemblée du Peuple de Dieu, sorte de congrès de l'Église de France qui pourrait se tenir dans plusieurs années.

Au cours de leur réunion de Lourdes, les évêques étudient diverses questions : les problèmes de l'information, de la santé, etc. Mais la décision la plus spectaculaire paraît être la publication d'un Recueil de documents privilégiés de la foi catholique, intitulé Pierres vivantes et destiné à tous les enfants du cours moyen qui suivent le catéchisme. En clair, il s'agit, sous une forme nouvelle et adaptée, d'un retour au catéchisme national unique, au terme d'une période où régnaient spontanéité, diversité et parfois désordre. On peut parler de reprise en main.

La mort de Marthe Robin

Bien des Français en auront entendu parler pour la première fois le jour de sa mort : Marthe Robin, décédée le 6 février 1981 dans sa ferme natale de Châteauneuf-de-Galaure (Drôme), était une stigmatisée. Paralysée depuis 1926, elle avait commencé peu après à revivre chaque vendredi la Passion. Aux dires de témoins, le sang des plaies du Christ apparaissait alors sur ses mains, ses pieds, à son côté et sur son front. Ses biographes assurent que, depuis 1940, elle ne se nourrissait que de l'eucharistie quotidienne. Mais on ne pouvait la voir qu'avec l'accord de l'abbé Georges Finet, prêtre détaché à ses côtés vers la fin des années 30 par le cardinal Gerlier. L'Église, d'ailleurs, s'est toujours montrée réservée à propos des stigmatisés (on en a recensé, au long de son histoire, environ 300). Mais les manifestations qui entourent la mort de Marthe Robin montrent assez quel était le rayonnement de cette vieille dame enfermée depuis des décennies dans une chambre obscure. Deux cents prêtres et plusieurs milliers de fidèles participent, le 12 février, à la messe de funérailles célébrée par l'évêque de Valence, Mgr Léon-Didier Marchand, dans le superbe sanctuaire — une des plus belles réalisations de l'art religieux contemporain — construit à Châteauneuf-de-Galaure en 1979 avec l'argent de dizaines de milliers de donateurs.

Mgr Jean-Marie Lustiger

Le 27 février 1981, Mgr Jean-Marie Lustiger, ancien évêque d'Orléans, se rend à la cathédrale Notre-Dame pour y remettre au chapitre des chanoines, selon la tradition, la lettre pontificale qui le fait 139e évêque et 27e archevêque de Paris. Cette nomination fait grand bruit. Le cardinal François Marty, ayant atteint les 75 années qui sont désormais, pour les évêques catholiques, l'âge de la retraite, avait demandé depuis de longs mois au pape de lui trouver un successeur. Mais Jean-Paul II ne s'était pas pressé. D'abord, parce qu'il éprouvait de vifs sentiments d'amitié et d'estime pour le cardinal, sentiments manifestés encore, le 16 juin 1980, par une lettre chaleureuse à l'occasion du jubilé sacerdotal du prélat. Mais les retards du Vatican pouvaient s'expliquer aussi par la difficulté de l'entreprise : dans l'état actuel de l'Église de France, l'archevêque de Paris, quel qu'il soit, joue un rôle capital. Finalement, le choix du pape s'est donc porté sur un prélat qui, note toute la presse, lui ressemble. Mgr Jean-Marie Lustiger est en effet un homme solide, vigoureux, direct, insistant sur la primauté du spirituel et que l'on peut difficilement classer dans l'une ou l'autre tendance. Surtout, son itinéraire rappelle, par certains traits, celui de Karol Wojtyla. Le nouvel archevêque de Paris est en effet d'origine polonaise ; âgé de 54 ans, il appartient à la même génération que le pape et a été, comme celui-ci, aumônier d'étudiants avant de devenir curé de la paroisse parisienne Sainte-Jeanne-de-Chantal et d'être nommé, par Jean-Paul Il déjà, évêque d'Orléans. L'opinion retient surtout que Mgr Lustiger est d'origine juive et s'est converti au catholicisme à l'âge de 14 ans. « Je suis né juif et je le resterai... La décision de devenir chrétien ne m'est pas apparue comme un reniement, mais comme l'affirmation d'une identité juive assumée dans le christianisme », explique le nouvel archevêque. Et c'est un appel à l'espérance qu'il lance, le 5 mars, à ses diocésains : « Je veux leur dire qu'il faut aimer la vie et montrer beaucoup de force dans cette période difficile où les gens sont parfois tristes et accablés. » Aux Parisiens qui ne sont pas catholiques, il assure que « les chrétiens devraient être des frères pour eux : s'ils ne le sont pas, c'est qu'ils ne sont pas vraiment chrétiens ».

Amérique latine

L'Église intervient de plus en plus souvent pour la protection des droits de l'homme. Au Chili, par exemple, l'évêque de Talca, Mgr Carlos Gonzales, n'hésite pas à prendre une mesure radicale : un décret publié en décembre 1980 excommunie toute personne responsable de la torture, ipso facto, « au moment où celle-ci est commise ». Et il précise que l'on peut considérer comme responsable de la torture : « celui qui la pratique ou qui y participe ; celui qui l'encourage, la sollicite, l'ordonne ; celui qui, pouvant l'empêcher, ne le fait pas ».