Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Sur le plan social, l'année est donc assez tendue. Hormis l'accord du mois de juillet entre patrons et syndicats sur les licenciements dans la métallurgie, peu de projets d'envergure aboutissent. Aux grèves classiques, à la SNCF, à EDF ou dans l'enseignement qui s'échelonnent tout au long de l'année, s'ajoutent cette fois plusieurs mouvements catégoriels très pugnaces chez les médecins, les dentistes, les magistrats, les agriculteurs.

La contestation du RPR

Mais la politique de Raymond Barre n'est pas, ne peut pas être populaire, même si les Français ont pour le Premier ministre plus d'estime et de considération que cela n'apparaît.

Au RPR, on se démarque activement du gouvernement. Dès le mois de septembre, la commission d'enquête parlementaire sur l'information publique se montre très critique contre les orientations politiques de l'audio-visuel (télévisions et radios). Le RPR est en flèche. Aux journées du groupe RPR de l'Assemblée nationale, aux Arcs, Raymond Barre (qui n'est pas invité) est accablé de reproches. Le 1er octobre, Jacques Chirac nomme le docteur Bernard Pons, député de l'Essonne, secrétaire général du RPR, en emplacement d'Alain Devaquet. Un anti-giscardien notoire succède ainsi à un jeune parlementaire plus modéré. À l'Assemblée nationale, le RPR se joint à l'opposition pour repousser le nouveau barème de l'impôt sur le revenu et s'abstient lorsque vient en délibération l'équilibre général des recettes et des dépenses. Du coup, le barème de l'impôt n'est pas adopté. Le gouvernement engage sa responsabilité, les motions de censure de la gauche échouent. Il en naît un imbroglio juridique, qui s'achève en décembre par l'annulation du vote du budget par le Conseil constitutionnel. Il faut une session extraordinaire pour le faire adopter dans les formes. Il l'est finalement en janvier. Jamais le RPR n'a été aussi loin dans la contestation de la politique gouvernementale, à une occasion aussi grave et de façon aussi visible.

Tout devient, d'ailleurs, objet de discussions, d'escarmouches et de passes d'armes. La loi Veil sur l'interruption de grossesse est définitivement votée, mais sans le suffrage de Jacques Chirac. En février, le président du RPR dénonce, l'« avachissement » de la politique gouvernementale. La conférence de presse du maire de Paris, le 22 février, garde une mesure délibérée dans la forme, mais le fond est cruel.

Jacques Chirac veut se donner une image présidentielle, recourant pour cela aussi bien aux problèmes de défense (il faut davantage de sous-marins nucléaires) qu'à l'Europe (il ne faut rien céder aux Britanniques) ou qu'à l'emploi (c'est une affaire de volonté gouvernementale).

La session de printemps n'est pas moins agitée. Le projet Peyrefitte Sécurité et libertés, l'affaire du ticket modérateur d'ordre public limitant le remboursement des frais médicaux par les mutuelles fournissent l'occasion de nouveaux affrontements. S'y ajoute un épisode assez violent, en juin, quand le secrétaire d'État aux Rapatriés, Jacques Dominati, assiste à Toulon à l'inauguration d'une stèle à la mémoire des Français d'Algérie. Le nom du général de Gaulle a été hué par des activistes avant ou pendant la cérémonie. Jacques Dominati s'explique maladroitement à l'Assemblée. Le RPR décrète (fait sans précédent) une grève des débats de 48 heures. Une brève déclaration de Raymond Barre met fin à l'épisode. Ce climat en dit long. Pierre Juillet, ancien conseiller politique de Georges Pompidou et de Jacques Chirac, publie le même mois, dans le Monde, un article solennel très dur contre le président de la République et invite sèchement le maire de Paris à se situer en recours.

Mais c'est Michel Debré qui brouille soudain les cartes gaullistes en annonçant, le 30 juin, qu'il sera candidat à l'Élysée. En elle-même, la nouvelle n'est pas une surprise. C'est la date qui étonne. Personne (et surtout pas le maire de Paris) n'imaginait que l'ancien Premier ministre du général de Gaulle se déclarerait avant les vacances, chassant inévitablement sur les terres RPR, revendiquant l'expression du message gaullien, évitant, en partant le premier, de s'exposer à l'accusation de diviseur. Voilà, avant même que Jacques Chirac ne se soit définitivement déterminé, le gaullisme en ordre dispersé.