Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Les nouvelles règles de distribution des crédits de fonctionnement tendent à favoriser un modèle national d'organisation pédagogique. Enfin, la nécessité de faire habiliter périodiquement les formations menant à des diplômes nationaux donne des moyens supplémentaires d'intervention à l'administration centrale, qui travaille plus, désormais, avec les recteurs qu'avec les présidents élus des universités. L'esprit initial de la loi d'orientation semble donc abandonné.

Manifestation de ce changement : l'amendement Rufenacht sur l'élection des présidents d'université. Le 10 décembre 1979, Antoine Rufenacht, député RPR de Seine-Maritime mais proche du gouvernement, et qui souhaite obtenir la transformation en université autonome des enseignements supérieurs du Havre, dépose à l'Assemblée, sans préavis, un amendement à une proposition de loi de Philippe Seguin, député RPR des Vosges, qui permet la réélection des présidents d'université (interdite par la loi d'orientation) ; l'amendement Rufenacht propose que les présidents soient élus par les seuls représentants des professeurs et maîtres de conférences du conseil d'université, et non plus par le conseil tout entier, qui comprend aussi des élus des assistants, des maîtres-assistants, des étudiants et du personnel non enseignant (chercheurs, administratifs, techniciens, etc.), ainsi que des personnalités extérieures cooptées. La discipline de vote joue : l'amendement est voté par la majorité (279 voix contre 200), en séance de nuit.

Protestations

Alice Saunier-Seïté a appuyé la proposition : il s'agit, encore une fois, de réduire le poids des assistants et maîtres-assistants, jugés trop politisés.

Mais le vote déclenche de vives protestations dans le milieu universitaire, où rattachement aux institutions de 1968 reste relativement fort. La mesure adoptée priverait du droit d'élire le président les trois quarts des enseignants, et tous les chercheurs. Le SNES-SUP (affilié à la FEN) et le Syndicat général de l'Éducation nationale CFDT lancent un mot d'ordre de grève ; presque toutes les associations d'étudiants — modérés compris — se joignent à eux. Les interventions d'universitaires influents se multiplient auprès de l'ancien professeur d'économie politique Raymond Barre.

De son côté, le Sénat, qui doit se prononcer sur le texte le 18 décembre, s'offusque de cette hâte, alors que le vote du budget s'achève à peine. La commission des Affaires culturelles propose, à la quasi-unanimité, de refuser de l'examiner. Son rapporteur, Jean Sauvage, sénateur centriste du Maine-et-Loire, souligne qu'une loi étudiée de longues semaines par le Parlement ne peut être modifiée dans de telles conditions. Bien que la grève soit suivie surtout dans les grandes universités, et les manifestations de rue relativement peu fournies (trois mille manifestants à Paris), le chef du gouvernement décide in extremis de retirer le texte de l'ordre du jour du Sénat. Les adversaires de la loi d'orientation sont divisés sur la manière de la remplacer : la proposition Rufenacht n'est qu'« une mauvaise tentative de correction d'une situation intenable », estime Raymond Benezech, président de la Fédération des syndicats autonomes. Les Cercles universitaires, qui réunissent des enseignants de la majorité, proposent, en mars 1980, de faire élire les présidents d'université par tous les professeurs, maîtres de conférences et maîtres-assistants (et non par le conseil). Les présidents d'université, réunis quelques jours plus tard, estiment que le système par lequel ils ont été élus leur donne une plus forte légitimité, en faisant d'eux les représentants de toutes les catégories de l'université, et non des seuls enseignants.

Décision

Au cours de la session parlementaire de printemps, c'est une nouvelle composition des conseils d'université et des conseils d'UER, donnant la majorité aux professeurs, qui est proposée et adoptée par l'Assemblée le 27 juin. Les professeurs et maîtres de conférences, qui représentent un quart des enseignants, disposeront de 50 % des sièges (au lieu de 30 % en moyenne) ; les maîtres-assistants, qui forment le tiers des enseignants en auront 15 %, les assistants 5 % seulement.