Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Il s'agit bien, cette fois, et d'un symbole et d'une étape dans le comportement du PC. Georges Marchais, pour la première fois depuis six ans, se rend à Moscou en janvier à la tête d'une délégation. De la capitale de l'URSS, il vole (dans une longue interview à TF1) au secours de l'intervention de l'armée rouge, appelée, explique-t-il, par le gouvernement légal et contrainte de ne pas abandonner un mouvement progressiste menacé du dehors. Le secrétaire général du PC reprend les mêmes thèmes dix jours plus tard à rémission Cartes sur table d'A 2. Ses deux prestations font les titres de toute la presse. Le PC donne sa caution à l'occupation de l'Afghanistan. Le parti socialiste, la CFDT, la Fédération de l'éducation nationale, à son congrès de Toulouse, le condamnent vigoureusement. Edmond Maire, toujours franc, y voit un coup terrible pour la gauche.

Pire, peut-être, ce même mois de janvier, le 25, les secrétaires généraux des partis communistes espagnol et italien — Santiago Carrillo et Enrico Berlinguer — réprouvent, eux, vivement, l'intervention soviétique. Voilà le PCF isolé de la gauche et coupé de ses cousins eurocommunistes. Alors que le no 1 du PC italien rencontrera longuement François Mitterrand à Strasbourg au mois de mars et appellera, quelques semaines plus tard, à un nouvel internationalisme rapprochant communistes, socialistes et chrétiens avancés, le PCF, lui, accueille à Paris, le 28 avril, une conférence qui rassemble les partis communistes européens acquis aux thèses soviétiques. Georges Marchais admet, à deux reprises (lorsque Valéry Giscard d'Estaing proclame en mars le droit des Palestiniens à l'autodétermination et lorsqu'il rencontre impromptu Leonid Brejnev à Varsovie en mai), qu'il s'agit là d'initiatives positives. Le cercle est bouclé. Le PCF a retrouvé le style et l'orientation de ses relations avec le gaullisme gaullien. Il campe dans l'opposition, mais seul. Et, en politique étrangère, il enregistre des convergences ponctuelles entre la France et l'Union soviétique. On joue 20 ans après.

Cela provoque bien sûr des remous au sein du parti. Henri Fiszbin, ex-premier secrétaire de la fédération de Paris, démissionne du comité central en novembre. Des intellectuels protestent. Des journalistes s'en vont. Un Appel pour l'Union... signé par des communistes et par des socialistes, lancé en décembre, rassemblera, à la fin du premier semestre 1980, plusieurs dizaines de milliers de signatures. La direction ne se laisse néanmoins pas détourner de ce nouveau cours aux résonances archaïques.

L'ombre des présidentielles

Le parti socialiste se retrouve ainsi pratiquement isolé. Le PC le harcèle, le fustige et le crible de reproches. Le petit mouvement des radicaux de gauche tente de faire cavalier seul pour renforcer son influence, annonce qu'il aura, aux élections présidentielles, son propre candidat. Au mois de juin, le nom est dévoilé sans surprise. C'est, bien sûr, Michel Crépeau, le président du MRG.

Au parti socialiste, l'élection présidentielle éclipse déjà tous les autres problèmes. Puisque les ponts avec le PC se trouvent, en fait, rompus, puisque la politique étrangère déchire derechef la gauche, comme à l'époque de la guerre froide, l'échéance présidentielle ressemble à un quitte-ou-double. Sans partenaire, la route des élections législatives est coupée, scrutin majoritaire oblige. Reste l'élection présidentielle. Elle a, chez les socialistes, une importance particulière, car elle commande à la fois l'accession au pouvoir et le contrôle du parti. Ces enjeux cumulés expliquent, pour une part, l'âpreté de la concurrence qui s'y fait jour.

Il n'y a au sein du PS (et chacun le sait bien) que deux candidats plausibles pour la candidature présidentielle : François Mitterrand, premier secrétaire du parti, candidat unique de la gauche, valeureux mais battu en 1965 et 1974. Il incarne l'unité qui n'existe plus et la résurrection du PS dont il est le principal auteur. Il doit faire face à la rivalité de Michel Rocard, de quatorze ans son cadet, devenu l'homme de l'opposition le plus populaire dans les sondages. François Mitterrand a pour lui son passé, sa stature, le contrôle du parti. Michel Rocard, son audience, sa fougue et une réputation de bon économiste.