On peut craindre, malheureusement, qu'en 1981 les politiques d'assainissement à l'œuvre dans les pays riches n'aboutissent à reconcentrer les déficits sur les pays pauvres, faisant peser de graves menaces sur l'économie mondiale. C'est tout le problème du recyclage des pétrodollars, c'est-à-dire de la redistribution des excédents de l'OPEP. La logique voudrait que ceux-ci soient empruntés par les pays riches, pour être répartis aux pauvres avec des bonifications d'intérêts, ce qui permettrait au tiers monde de s'équiper tout en passant des commandes aux pays industrialisés.

La capacité de l'économie mondiale de résister aux coups de boutoirs pétroliers repose ainsi sur une très grande souplesse d'adaptation. Tout ce qui risque de rendre plus rigide le système constitue un danger assimilable à une crise d'artériosclérose. Or, des crises politiques peuvent déboucher sur des raidissements de nature économique. On l'a vu en 1979-1980, lorsque les États-Unis ont réagi à la prise des otages à Téhéran par le gel des avoirs iraniens dans les banques américaines et par l'embargo sur les ventes à l'Iran ; et lorsque Washington a mis l'embargo sur une partie des ventes de céréales à l'Union soviétique, après l'intervention de celle-ci en Afghanistan.

Les risques de tout affrontement armé dans un monde nucléarisé peuvent ainsi contraindre les grandes puissances à utiliser, de plus en plus, des armes économiques dans les affrontements internationaux. C'est vrai aussi pour le pétrole, principale arme du monde arabe contre les séquelles du colonialisme et contre Israël.

Là réside le danger (qui pourrait être mortel) d'un blocage du système des échanges internationaux, qui ne sont plus aujourd'hui un accessoire dans la vie économique.

Menaces

Le monde a appris en 1979-1980 qu'il devait vivre, désormais, en permanence sous la menace d'une guerre, d'une pénurie physique d'énergie ou d'un krach financier. Il devra donc assimiler peu à peu les gestes et les réflexes qui lui permettront d'échapper à ces écueils. Cela explique, sans doute, les réflexes de prudence des opinions publiques lors des consultations électorales ; les forces conservatrices paraissent bénéficier d'une prime dans cette période où les craintes l'emportent sur l'espoir, comme on l'a vu aux élections en Grande-Bretagne, en Suède et au Japon dans la période récente. Mais une gestion trop conservatrice des sociétés occidentales peut aussi engendrer de nouvelles rigidités. C'est la très sérieuse OCDE qui a publié, dans son rapport de l'été 1980, révolution des taux de chômage des jeunes (les moins de 25 ans) dans les pays membres ; les voici (au % de la population active du même âge) :

Cette forte poussée du chômage des jeunes dans la plupart des pays (à l'exception de la RFA, à cause du dépeuplement de ce pays qui perdra 2 millions d'habitants entre 1980 et 1990, autant que la France en gagnera) pourrait devenir une véritable bombe à retardement si elle n'était pas désamorcée dans les années à venir.