Mais les observateurs attentifs notent que cette progression du PS, incontestable, cesse, pour la première fois depuis 1973, de constituer un véritable pas en avant. Le PS en effet complète en réalité les élections cantonales de l'autre série, celle de 1976. Il se met à même hauteur, il avance sensiblement par rapport à 1973. Il ne progresse plus par rapport à 1976. C'est peut-être (qui sait ?) la fin du flux et une sanction (à vrai dire visible pour les seuls spécialistes) après l'échec de la gauche en 1978 et les divisions du PS depuis. Quand à Jacques Chirac, s'il se fait réélire triomphalement président du RPR, le 31 mars, porte de Champerret, il ne peut être satisfait de son score.

Des congrès où l'on règle des comptes

Le deuxième trimestre est dominé par trois événements : les congrès de la gauche — ceux du PS, du PC et de la CFDT — ; la campagne européenne ; les décisions de Strasbourg et de Tokyo. C'est le parti socialiste qui ouvre le ban. Son congrès de Metz fera un vainqueur : François Mitterrand, mais un vainqueur diminué qui, après avoir été le reconstructeur, le fédérateur, le prophète et le symbole, ne sera plus (au moins pour un temps, car avec ce diable d'homme tous les rebondissements restent toujours possibles) que le général impérieux d'une majorité rétrécie. Ce n'est certes pas l'île d'Elbe. Mais ce n'est plus l'empire triomphant.

François Mitterrand obtient 40,1 % des mandats ; Michel Rocard 20,4 % — ce qui est honorable —, le CERES orthodoxe de Jean-Pierre Chevènement 14,4 %, ce qui est maigre ; Pierre Mauroy 13,6 %, ce qui est peu, même s'il faut y ajouter une pincée des 7,7 % de voix de Gaston Defferre ; le CERES dissident de Christian Pierret 3,2 % et le tout petit courant femmes 0,3 %.

Dès l'ouverture du congrès, le 6 avril, il n'y a aucune équivoque. François Mitterrand ne veut pas de compromis. C'est sa ligne et son autorité qui seront à prendre ou à laisser. Pour le CERES qui multipliait les œillades depuis l'automne, c'est à prendre. Pour Michel Rocard et Pierre Mauroy, qui vont former la nouvelle minorité, c'est à laisser. François Mitterrand reste premier secrétaire. Il fait appel, les jours suivants, à sa jeune garde pour renouveler le secrétariat du PS où le CERES fait sa rentrée peu après.

Le congrès du PC, qui s'étend du 9 au 13 mai à Saint-Ouen (et éclipse un peu injustement celui de la CFDT qui se déroule au même moment à Brest), offre moins de suspense. C'est pourtant la consécration de l'autorité de Georges Marchais. Après un an de crise, le PC redevient une machine qui tourne, parfois à vide mais toujours rond, dirigée par un homme qui sait commander. Son seul rival possible à la direction (Roland Leroy — directeur de l'Humanité) est écarté du secrétariat. Entrent au bureau politique toute une série de jeunes dirigeants : des femmes, Francette Lazard, agrégée de l'Université, et Giselle Moreau qui siège même au secrétariat ; des intellectuels, Pierre Juquin, le député de l'Essonne, l'économiste Philippe Herzog, René Le Guen, responsable des cadres CGT. Le ton reste aussi fermé à l'égard du PS, le registre très protestataire, le climat fort peu européen. Mais la reprise en main s'achève. Le PC eurocommuniste, méfiant à l'égard de l'Europe et unitaire méfiant à l'égard de ses alliés, est de nouveau bon pour le service. C'est ce qu'il démontre d'ailleurs tout au long de la campagne européenne, où Georges Marchais étale d'incontestables qualités de superstar à la télévision.

Les européennes ou le match à quatre

Raymond Barre au Club de presse a annoncé sa préférence pour la liste de Simone Veil. Il mènera une campagne parallèle à celle du ministre de la Santé. Et il critique, pour la première fois sans ménagement, « l'enflure » et « l'outrance » du président du RPR, son « éloquence du menton » la « légèreté » des thèses économiques de Jacques Chirac. Comme, dès le lendemain, à la télévision, le maire de Paris déclare que, dans les conditions du moment, Valéry Giscard d'Estaing « n'aurait aucune chance d'être réélu », la consultation du 10 juin revêt immédiatement un caractère polémique et un côté match à quatre entre les grandes formations.