Rompre cette hostilité sociologique et politique entre le citadin et le paysan, entre les campagnes et les villes, surmonter l'opposition dépassée selon laquelle il existerait une technique d'aménagement pour les villes et une autre pour les montagnes et le bocage : telle devrait être pour demain la nouvelle exigence de la politique régionale. Ce serait un moyen de faciliter la mobilité géographique, donc une plus grande compréhension entre les hommes sur tout le territoire.

Lorraine

Il ne fait pas de doute que, pour la Lorraine, 1978-1979 sera marquée sur le registre des années noires.

Ce fut d'abord la débâcle du groupe textile Boussac qui, dans les Vosges, fournissait des centaines d'emplois dans de nombreux villages. On parla des Boussac comme jadis on avait parlé des Lip. Le gouvernement prend à bras le corps le problème et publie, le 18 août 1978, un programme de rénovation de l'économie vosgienne comportant plusieurs volets, notamment 500 millions de F pour le désenclavement routier et la création de 1 455 emplois nouveaux (parmi lesquels 300 emplois chez Cemoi à Épinal et 450 postes de travail offerts par la société américaine Garret).

Mais, en même temps, on apprenait que la société sidérurgique Chiers-Châtillon décidait de suspendre la construction de l'aciérie à l'oxygène de Neuves-Maisons. C'était non seulement un coup porté à l'économie locale, mais aussi un énorme gâchis, puisque les travaux — très coûteux — de mise au grand gabarit de la Moselle en amont de Toul avaient précisément été faits dans le but de mieux desservir cette aciérie.

Tout cela toutefois représente peu de chose à côté du nombre considérable des licenciements annoncés à la rentrée de septembre dans plusieurs sociétés sidérurgiques qui s'étaient regroupées et dans lesquelles l'État a pris une participation majoritaire. Affectant surtout le secteur de Longwy, où se sont déroulées des manifestations monstres, ces licenciements intervinrent après la fournée de 1977 et porteront sur plus de 12 000 postes de travail. Rien qu'entre 1974 et 1978, la sidérurgie aura perdu 14 550 emplois.

Nord-Pas-de-Calais

Fondée jadis sur trois piliers solides — le charbon, le textile et l'acier —, l'économie du Nord-Pas-de-Calais doit affronter trois crises structurelles en même temps. Les Houillères, progressivement mais inéluctablement, diminuent leur production. Le textile, de plus en plus, est concurrencé par les produits de pays asiatiques, et, que ce soit à Roubaix-Tourcoing ou dans la région de Caudry, on n'embauche plus guère. L'acier ! C'est le même schéma qu'en Lorraine, puisque les installations de Trith-Saint-Léger et de Denain sont condamnées dans les projets d'Usinor. À Boulogne-sur-Mer, les hauts fourneaux de Paris-Outreau, première usine européenne de ferromanganèse et de silicomanganèse, et qui fournissaient 20 % des emplois de l'agglomération, licencient 1 065 personnes. Heureusement, du côté littoral nord-est les choses vont un peu mieux : Calais confirme sa place de premier port européen de voyageurs et à Dunkerque, en dépit de la concurrence des ports belges, le trafic des marchandises diverses connaît une progression satisfaisante.

Face à cette situation, Pierre Mauroy et le conseil régional ont demandé un plan d'urgence. Ils n'ont obtenu que la promesse de voir se créer, surtout dans le Valenciennois, quelque 6 800 emplois, provenant pour la plupart de l'industrie automobile (Peugeot-Citroën). Raymond Barre s'est engagé à favoriser la décentralisation de services administratifs (ministères, SNCF). D'autre part, il reconnaît que, dans le Nord-Pas-de-Calais, il existe une sous-administration « criante » de la population par rapport à d'autres départements.

Notons aussi une initiative originale du conseil régional : la mise en réserve, sur le budget, d'une somme de 20 millions de F dans l'attente des décisions que prendrait le gouvernement pour relancer l'économie du Nord. Autrement dit, Pierre Mauroy déclare au gouvernement : « Créez 1 000 emplois chez nous, et nous, avec nos propres moyens, pour vous accompagner, nous en créerons 200 ou 300 supplémentaires. »

Sud-Ouest

Dans la perspective de l'entrée du Portugal et de l'Espagne dans la CEE et parce que le Pays basque espagnol ou la région de Barcelone sont des zones dynamiques, le président de la République décide, le 17 juillet 1978, de faire élaborer par le gouvernement un plan décennal pour le Sud-Ouest (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon). Ce programme doit être élaboré en étroite concertation avec les assemblées régionales qui, toutes les trois, sont dirigées par des personnalités socialistes. Des déséquilibres graves marquent ces régions du Sud-Ouest, éloignées des grands centres de l'Europe industrielle, dominées par une économie agricole ou le tourisme. Elles occupent 21 % du territoire national, mais représentent seulement 12 % de la population. Le Languedoc-Roussillon détient le record du chômage par rapport à la population active.