Aussitôt, l'agitation est à son comble. Chacun se demande si la crise ouverte menace, si la majorité va éclater, si l'exécutif est en péril. Des parlementaires RPR protestent à voix haute. Beaucoup d'élus gaullistes s'inquiètent. À l'Assemblée nationale, le président du RPR tente de calmer le jeu, tandis que gaullistes et communistes adoptent ensemble (fait sans précédent) une loi interdisant le financement de la campagne européenne par la Communauté. Mais Raymond Barre, à Radio Monte-Carlo, comme dans son voyage officiel en Corse, se veut impavide. L'Élysée bien sûr garde le silence et, finalement, Jacques Chirac écrit en substance à Raymond Barre par lettre ouverte (tout de même) que la trêve parlementaire continuera au printemps.

Alexandre Sanguinetti a protesté contre les méthodes autoritaires de l'entourage de Jacques Chirac. Le garde des Sceaux Alain Peyrefitte — chef de file des ministres gaullistes — a, lui, écrit aux députés RPR pour protester violemment. Cela lui vaut une procédure disciplinaire et une lettre du président du RPR lui déclarant tout à trac : « j'espère... que vous aurez la décence de quitter le Rassemblement que j'ai fondé et que je préside ». Ce qu'il se hâtera bien sûr de ne pas faire, continuant de plus belle, au contraire, à tisser à peine discrètement les fils d'une opposition interne à la ligne dure du RPR. L'épisode laissera des cicatrices. Les électeurs UDF ne pardonneront pas à Jacques Chirac le ton de sa lettre. Chez les parlementaires, il y a de la grogne, mais une grogne prudente dans l'attente des élections cantonales et européennes. Le maire de Paris s'est marqué. Il devient plus qu'avant l'opposant de l'intérieur. Le quadrille infernal PC-PS-UDF-RPR est en tout cas bien en place quand commence l'année 1979.

Dès qu'elle débute, on retrouve les trois plans qui sous-tendent en filigrane toute la vie politique. Valéry Giscard d'Estaing qui poursuit obstinément son entreprise européenne et sa tentative d'élargissement du consensus français ; la situation économique et sociale, la première ne s'améliorant guère et la seconde se tendant nettement ; et les querelles entre les quatre grandes formations.

En politique étrangère, l'année 1978 avait plutôt mal fini : grincements entre la France et l'Allemagne, à propos de la politique agricole commune ; grincements entre Londres, d'un côté, Paris et Bonn de l'autre, à propos de la mise en place du système monétaire européen. Bruits de bottes entre le Viêt-nam et la Chine. Émeutes en Iran. 1979 commence mieux : la France marque quelques points en Afrique. Le sommet occidental à quatre de la Guadeloupe (Jimmy Carter, James Callaghan, Helmut Schmidt et Valéry Giscard d'Estaing) permet de débattre des problèmes de défense et de sécurité. La France, c'est une date, reprend sa place à la Conférence sur le désarmement. Et puis, surtout, le premier semestre 1979, c'est le tour de la présidence française pour le Conseil européen à un moment crucial pour l'Europe. Or, le sommet de Paris, les 12, 13 et 14 mars, marque l'entrée en vigueur effective du système monétaire européen. C'est un premier succès.

Le chômage en toile de fond

En France, cela va malheureusement moins bien. Il a fait très froid. Il y a eu des violences autonomes dans le quartier de la gare Saint-Lazare en janvier, et la main de la justice a été lourde. En Lorraine et dans le Nord — à Longwy et à Denain notamment —, les affrontements entre grévistes et forces de l'ordre se font rudes, tout comme à Nantes. La marche de la CGT sur Paris, le 23 mars, pourtant fort disciplinée et bien encadrée, est perturbée à nouveau par les autonomes et cela déclenche force polémiques sur les responsabilités et les provocations.

Malgré la progression du chômage (20 % en un an), il y a quelques signes positifs : un espoir de reprise et l'accord patronat-syndicats sur l'indemnisation du chômage, par exemple. Mais il y a aussi un fort sentiment de trouble qui nourrit les querelles politiques.

Au PS, les forces se comptent maintenant avec précision : 52 parlementaires et 45 membres du comité directeur signent l'appel de François Mitterrand, 49 parlementaires et 55 membres du comité directeur celui de Pierre Mauroy et Michel Rocard, 9 parlementaires et une poignée de membres du comité directeur celui du CERES. Georges Marchais a beau dénoncer le « simulacre » de lutte, il est le seul à croire à cette analyse.