« Sincère », affirme le ministre du Budget, parce qu'il « réoriente le rythme de l'évolution des dépenses publiques et affirme les priorités du gouvernement ». L'examen des dépenses montre, en effet, un ralentissement sensible des dépenses de fonctionnement au sens strict et des interventions économiques de l'État. En ce qui concerne les employés de l'État, il n'est prévu qu'une quasi-stagnation du pouvoir d'achat de leurs rémunérations. Quant aux effectifs de fonctionnaires, ils enregistrent aussi un freinage des postes créés : 23 900 seulement contre 40 400 en 1978 et 66 000 en 1977. Bref, « l'État réduit les frais généraux ». Par ailleurs, les interventions économiques ralentissent grâce à la stabilisation des subventions aux entreprises nationales ; cette dernière a été permise par le relèvement des tarifs publics effectué en 1978 (notons que ce relèvement, qui a été très fort, permet seulement de stabiliser les subventions autour de 30 milliards de F, et non pas de les réduire).

Interventions sociales

À l'inverse, d'autres catégories de dépenses augmentent très rapidement : les interventions sociales (pour soutenir l'emploi principalement) avec + 23,9 %, la formation, la dette publique, surtout, avec + 37,8 %, car il faut bien financer quelques 110 milliards de déficits cumulés de 1975 à 1978 ! Si l'on regroupe les dépenses qui accélèrent et celles qui ralentissent, on parvient à une progression d'ensemble des dépenses de fonctionnement qui reste très forte : + 16 %.

Mais les dépenses d'équipement croissent moitié moins vite (+ 8,1 %), du moins pour les dépenses civiles. Pour M. Papon, une pause se justifie après la « politique intensive d'équipements collectifs » menée pendant vingt ans. Pourtant, même les programmes d'action prioritaires du VIIe Plan (1976-1980) sont négligés : ils stagnent en francs courants (ce qui implique une baisse en valeur réelle). En revanche, les autorisations de programme croissent de près de 25 % pour les équipements militaires ; ceux-ci représentent ainsi plus de la moitié des investissements publics civils. Mais, si l'on inclut les frais de fonctionnement soumis aux mêmes consignes d'austérité que l'administration, les dépenses militaires n'augmentent pas plus rapidement que la moyenne. Deux autres postes croissent très vite, et du même montant (44 %) : le Fonds national de chômage et le Fonds national de solidarité, moyennant quoi le minimum vieillesse est passé à 40 F par jour en 1979, conformément au Programme de Blois.

Soutenir l'activité

Au total, les dépenses du budget initial de 1979 progressent de 14,9 %, ce qui est plus rapide que la croissance prévue pour la production nationale en valeur (+ 12,9 %). Cela permet d'affirmer que le budget de 1979 est un budget « actif », qui soutient l'activité économique, et cela est d'ailleurs conforme à l'engagement pris par la France au sommet de Bonn en juillet 1978. Comme cet effort s'accompagne d'un effort parallèle pour maîtriser la dépense publique (de fonctionnement), la stimulation s'exerce principalement par l'investissement public (entreprises nationales et équipements militaires), qui progresse de 5 % en volume. Cette orientation est significative de la philosophie du gouvernement, et on la retrouvera en 1980.

La difficulté est de faire suivre la recette, d'autant plus que le gouvernement était encore lié en 1979 par la promesse faite à Blois de ne pas majorer les taux de l'impôt. On a donc, sans beaucoup d'imagination, relevé les taxes indirectes, sur l'essence, le tabac, l'alcool, etc. On a également renoncé à indexer totalement les deux dernières tranches du barème de l'impôt sur le revenu en fonction de l'inflation (évaluée à 9 %...).

Mais un certain nombre d'allégements fiscaux ont joué en sens contraire, en particulier le relèvement des limites d'exonération pour les personnes âgées ; les sociétés ont aussi bénéficié de certaines exonérations, notamment les petites entreprises industrielles nouvelles.

Enfin, l'effort de moralisation fiscale et d'élargissement de l'assiette de l'impôt sur le revenu a été poursuivi. Sur quoi a-t-il porté ? Essentiellement sur le renforcement de la lutte contre la fraude par la surveillance des chèques, la suppression de certaines exonérations, la réduction de certaines déductions forfaitaires à un niveau plus en rapport avec la réalité des frais, en particulier pour les propriétaires d'immeubles. Le Parlement a d'ailleurs relevé à 40 000 F le plafond des déductions supplémentaires de frais professionnels dont profitent certaines catégories, déduction que le projet gouvernemental avait abaissée de 50 000 à 25 000 F...

Déficit limité

Dans l'ensemble, les recettes augmentent de 14 %, c'est-à-dire plus que la production, mais moins que la dépense, et le déficit monte donc à 15 milliards. Montant qui se situe, d'après le ministre du Budget, « à la limite des possibilités de financement non inflationniste » : « un déficit de 15 milliards représente la limite au-delà de laquelle le budget risquerait de devenir le véhicule de l'inflation ».