Autre procès qui agite le spectre du terrorisme : celui d'Évelyne Barge et de trois jeunes gens responsables de deux attentats en 1976. La personnalité d'Évelyne Barge fascine et fait peur. Arrêtée en 1971 en Israël, elle avait été condamnée à 14 ans de prison pour transport d'explosifs destinés aux Palestiniens, puis graciée après quelques mois d'emprisonnement.

Carlos, le terrorisme international, les détournements d'avions semblent se dissimuler derrière celle qui nie être l'égérie des trois jeunes artificiers d'occasion. « À quoi sert de poser des bombes ? se défend-elle devant ses juges. À rien ! » Évelyne Barge est condamnée à 5 ans de prison, ses trois acolytes à des peines de 7, 6, et 5 ans.

Hôtel de Ville

Quand ce n'est pas un procès qui vient servir de support à la hantise du terrorisme, un geste fou vient relancer l'inquiétude. Le 2 décembre, une bombe à retardement explose au rayon bricolage du Bazar de l'Hôtel de Ville à Paris. Plusieurs clients sont blessés, une vendeuse tuée sur le coup. Personne ne revendiquera cet attentat.

Les minorités qui tentent de se faire remarquer par ces actions les justifient le plus souvent par un discours idéologique confus et incohérent. Corses lassés de promesses jamais tenues. Bretons jugeant que « leur pays est victime du tout nucléaire, du démembrement et de la marée noire », jeunes idéalistes éblouis par la lutte de l'OLP ou de l'IRA et déçus par le combat jugé par trop traditionnel de l'extrême gauche.

Les autonomes qui ont surgi dans l'actualité début janvier sont aussi à la leur manière des « paumés ». Ils refusent l'engagement politique dans un quelconque groupe « organisé ». Ils veulent vivre selon leurs seuls désirs — et certains se font appeler les « désirants » — et pensent que seule l'action individuelle et spectaculaire peut bouleverser la société. Pour récupérer sur les capitalistes, ils sont adeptes du restaurant-basket, formule qui consiste à partir en courant au moment où on vous présente l'addition, ou de l'autoréduction des factures de gaz ou d'électricité, et du vol pur et simple dans les grands magasins.

Saint-Lazare

C'est contre la vie chère qu'ils se manifestent le samedi 13 janvier vers 17 heures à Paris. Le quartier de la gare Saint-Lazare est en pleine animation : c'est la période des achats « de blanc » dans les grands magasins ; il fait doux et beaucoup de Parisiens en ont profité pour faire quelques emplettes. Aucun ne remarque un groupe d'une trentaine de personnes qui se retrouvent cour de Rome devant la gare Saint-Lazare. Rapidement, ils se masquent la figure de foulards ou de cagoules, sortent de sous leur manteau des barres de fer ; des cocktails Molotov sont distribués, une banderole « Non à la vie chère » apparaît, et le petit cortège se met en route.

En hurlant plus qu'en scandant des slogans, les « autonomes » descendent la rue Caumartin, brisant une douzaine de vitrines sur leur passage, tandis que leurs cocktails Molotov allument des débuts d'incendie dans deux magasins. Rue Godot-de-Mauroy, ils s'arrêtent quelques instants pour piller la vitrine d'un armurier, puis disparaissent dès que les sirènes de la police, alertée par deux « îlotiers », retentissent.

Leur raid n'a duré qu'une quinzaine de minutes. Dans la soirée, il est revendiqué par des Brigades autonomes révolutionnaires, qui affirment l'avoir dirigé contre « les marionnettes du pouvoir et les responsables de la hausse des prix ».

Quartier Opéra

Quatre manifestants arrêtés par les policiers sont condamnés par le tribunal de flagrant délit à des peines de prison ferme de 3 à 4 ans. En appel, ces condamnations seront ramenées à 18 mois et 3 ans d'emprisonnement, assorties toutes d'un an avec sursis.

Deux mois plus tard, au plus fort du conflit né de la restructuration de la sidérurgie en Lorraine, la CGT organise une marche sur Paris pour le vendredi 23 mars.

Dès l'aube, la police, qui craint des incidents violents, a opéré des perquisitions dans des immeubles voués à la démolition et occupés par des autonomes, ainsi que dans 51 appartements privés ; 84 personnes sont interpellées et seront gardées à vue toute la journée. Une seule, chez qui on a saisi des tracts et des explosifs, est déférée au parquet.