Journal de l'année Édition 1979 1979Éd. 1979

Le VIIe Plan avait prévu une croissance moyenne de la production de 5,7 % par an. Elle aura été de 3 %. Presque moitié moins.

Actions prioritaires

Tirant les leçons de cet échec, le gouvernement a décidé que le VIIIe Plan ne comporterait pas d'objectif chiffré en matière de croissance de la production. Dans le rapport sur les options — qui précède l'élaboration proprement dite du Plan —, le gouvernement se justifie en disant qu'« un taux de croissance ne se décrète pas », surtout dans une période où les aléas internationaux sont devenus une donnée fondamentale de la vie économique. Mais ce Plan, moins précis sur ses objectifs chiffrés, se veut plus sélectif sur ses actions prioritaires. Les auteurs du rapport sur les options écrivent : « Le Plan gagne en intensité ce qu'il perd en exhaustivité. » Naturellement, tout le monde n'est pas d'accord sur cette nouvelle orientation. Du côté du RPR de J. Chirac comme de la gauche, on accuse le gouvernement de « déplanifier » l'économie française et de se laisser aller aux dérives du libéralisme économique. Ce débat devrait rebondir au moment où le Parlement sera appelé à voter le projet du VIIIe Plan proprement dit.

En attendant, le rapport sur les options — adopté par le Parlement — prévoit déjà six actions prioritaires pour la période 1981-1985 :
– la réduction de la dépendance de la France en énergie et en matières premières. Notamment par le développement de l'énergie nucléaire, dont la production passera de 6,4 millions de tonnes d'équivalent pétrole en 1978 à 43 millions de tonnes-d'équivalent-pétrole en 1985 ; avec, en perspective, une production nucléaire de 70 millions de tonnes-d'équivalent-pétrole en 1990 ;
– le développement d'une industrie concurrentielle, seule manière de gagner au-dehors les devises nécessaires au paiement de la facture pétrolière. C'est déjà pour aboutir à ce résultat que le gouvernement a voulu renforcer les marges financières des entreprises (libération des prix, freinage des salaires, stimulation de la Bourse) ;
– le renforcement des activités agricoles et alimentaires. L'un des échecs du VIIe Plan aura été de ne pas avoir fait fructifier le pétrole vert, c'est-à-dire les exportations de produits agricoles et alimentaires. Le VIIIe Plan s'efforcera d'être plus efficace en ce domaine ;
– l'amélioration de l'emploi. Ce sera la grande affaire du VIIIe Plan, car le handicap démographique, évoqué ci-dessus, se perpétuera jusqu'en 1985. À ce moment-là seulement arriveront à l'âge du travail les générations moins nombreuses nées depuis 1964. Comment faire pour créer plus d'emplois avec une croissance freinée par la crise de l'énergie ? Telle est l'équation économique fondamentale que la France devra résoudre d'ici à 1985. Les pouvoirs publics et le patronat espèrent regagner quelques centaines de milliers d'emplois sur les travailleurs étrangers, invités à quitter la France. La gauche et les syndicats préconisent une réduction de la durée du travail et la création d'emplois dans des activités à caractère social (santé, enseignement, loisirs, environnement, etc.). Les planificateurs font valoir que la réduction de la durée du travail ne créera des emplois que si les salariés acceptent une réduction parallèle de leurs revenus, sinon les coûts de production s'élèveraient et l'industrie française perdrait, en vendant moins dehors, les emplois qu'elle aurait gagnés en réduisant la durée du travail.
Quoi qu'il en soit, la bataille pour la semaine de 35 heures est engagée dans tous les pays européens. En France, le gouvernement et le patronat s'y opposent catégoriquement. Ce qui n'empêche pas le patronat de négocier avec les syndicats des aménagements de la durée du travail, après avoir signé des accords, fin 1978, sur l'amélioration des bas salaires et l'indemnisation du chômage. Pour la première fois, les syndicats ont signé un accord dans lequel ils renoncent à un droit acquis (le maintien de 90 % du salaire pendant un an, en cas de licenciement pour cause économique), en échange d'une amélioration de l'indemnisation pour les chômeurs les moins favorisés.
À noter que cette période de difficultés économiques est une des périodes les plus calmes en matière sociale. En 1978, la France a même réussi l'exploit d'avoir moins de grèves que l'Allemagne ;
– la maîtrise des dépenses sociales, avec une priorité pour la famille. Le VIIIe Plan devrait marquer une étape importante dans la réorganisation du système français de protection sociale. Le déficit sans cesse renaissant de la Sécurité sociale impose des mesures drastiques que le gouvernement ne sait pas comment mettre en œuvre. Au début de 1979, il alourdit sensiblement les cotisations, en faisant porter l'effort principalement sur les particuliers afin de ne pas compromettre la compétitivité des entreprises. Mais il doit recommencer durant l'été, en s'attaquant cette fois aux dépenses (notamment hospitalières) et à certaines prestations.
Parallèlement, le gouvernement souhaite encourager la famille afin de retrouver un taux de fécondité des Français, tombé au-dessous du seuil (1,8 contre 2,1) qui assure le renouvellement des générations ;
– l'amélioration de l'habitat et du cadre de vie. Cette priorité du VIIIe Plan vise à la fois des objectifs sociaux (améliorer les conditions d'existence des Français) et des objectifs économiques : économiser l'énergie et créer des emplois. C'est ainsi que le développement des transports collectifs devrait économiser l'énergie, s'il est vrai que, pour transporter un voyageur sur 1 kilomètre, il faut 10 à 20 grammes d'équivalent-pétrole en cyclomoteur, 16 grammes en tramway, 18 grammes en train et autobus, 20 à 30 grammes en métro et 60 à 70 grammes en voiture. Une nouvelle politique de l'habitat permettrait également d'économiser sur le chauffage des immeubles, lequel absorbe à lui seul 40 % de la consommation française d'énergie. Ces six options du VIIIe Plan doivent faire l'objet, en 1980, de travaux d'approfondissement avant d'être soumises au Parlement pour le vote sur le Plan lui-même.

Révision

Ainsi, la double crise — de l'énergie et de l'emploi — contraint la France, ainsi que les autres économies occidentales, à une révision déchirante de leurs objectifs et de leurs moyens d'action. De ce point de vue, elle ne comporte pas que des aspects négatifs.