Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Le PC de son côté rejette entièrement et non moins fermement sur le partenaire socialiste, accusé de déloyauté dans la négociation d'actualisation, de trahison presque, de connivence avec la majorité, le poids de l'échec. G. Marchais n'a pas à cet égard de mots assez durs, tout en se déclarant fidèle au programme commun.

Cependant, ces procès réciproques vont vite céder la place à des règlements de comptes intérieurs à chaque parti. Au PS, ils sont acides, mais rapides : tour à tour, Pierre Mauroy et Michel Rocard, considérés comme les successeurs possibles de F. Mitterrand à la tête du parti comme candidat à la présidence, rendent hommage au premier secrétaire, souhaitant son maintien en place. Les tensions demeurent vives à la veille de l'été, même avec l'aile gauche du parti, le CERES, où des divergences se sont élevées ; les grandes décisions et la préparation d'un projet socialiste par le biais d'une large consultation de la base sont renvoyées, en principe, à la rentrée.

Il n'en va pas de même au sein du parti communiste, où les remous sont vifs et prolongés. G. Marchais a affirmé et répété qu'il n'y aurait pas d'exclusions. Sa ligne, la tactique électorale qu'il a mise en œuvre, sa conception du centralisme démocratique et plus généralement de la démocratie au sein du parti font l'objet de vives critiques de militants et de cellules. N'ayant pas accès à la presse communiste, ces critiques s'expriment dans d'autres journaux. C'est ainsi que le Monde publie des articles de Louis Althusser, de Jean Elleinstein et de nombreux membres du PC qui s'en prennent avec vigueur, et à partir de points de vue différents, au secrétaire général et à la direction, réclamant une révision doctrinale, des réformes de structures, une vie démocratique interne. Les dirigeants répliquent, accusent les contestataires de faire le jeu des adversaires, font valoir qu'une poignée d'intellectuels ne sauraient prévaloir sur l'immense foule des adhérents qui, eux, approuvent et soutiennent la direction. D'étape en étape, la polémique s'aigrit et s'étend.

Il n'est pas jusqu'au petit Mouvement des radicaux de gauche qui ne soit secoué par les retombées de l'échec électoral. Il porte à sa présidence Michel Crépeau, favorable au maintien de l'union de la gauche, préféré à Jacques Maroselli.

Politique extérieure, politique sociale

Cependant, ces règlements de comptes ne font pas oublier les deux affaires qui dominent les dernières semaines de cette année 1977-1978. Il s'agit de l'évolution de la politique africaine de la France et, à l'intérieur, du climat social.

V. Giscard d'Estaing, la bataille terminée, les leçons tirées, le Premier ministre confirmé et son nouveau gouvernement constitué, semble reporter tout l'essentiel de son attention sur les affaires extérieures. Présente à Djibouti, au Liban sous le casque bleu des Nations unies, engagée au Tchad contre les rebelles Toubous qui défient avec l'aide de la Libye le pouvoir du général Malloum, intervenant au Sahara occidental où les Jaguars mitraillent en territoire mauritanien, voire marocain, les colonnes de combattants sarahouis soutenus par l'Algérie, l'armée française se trouve appelée à combattre au Zaïre. Elle y va pour protéger les Européens de la province du Shaba, partiellement envahie par des forces nationalistes venues d'Angola. Du même coup, elle contribue à sauver le pouvoir du général Mobutu, menacé par la rébellion. Une dure controverse s'élève entre la majorité et l'opposition sur le caractère réellement humanitaire de cette intervention, sur les arrière-pensées qui l'ont provoquée. Le retrait rapide, mission accomplie, du 2e Régiment étranger de parachutistes transfère la discussion sur la politique africaine du président de la République qui, après en avoir débattu avec le président Carter et adressé une lettre à Leonid Brejnev, s'en explique à deux reprises, le 19 mai dans une allocution radiotélévisée et le 14 juin dans une conférence de presse tenue à l'Élysée.

À cette conférence de presse, le chef de l'État annonce diverses initiatives visant les unes à accentuer la décrispation politique, les autres à accélérer le progrès et la justice sociale afin de mieux lutter contre le chômage et la hausse des prix. Les propos présidentiels ont cependant pour toile de fond une certaine agitation, en particulier à la Régie Renault, où on a tantôt le sentiment que les syndicats sont sur le point d'être débordés par des éléments minoritaires mais dynamiques, tantôt l'impression au contraire que les confédérations éprouvent la combativité de la base. Et, surtout, les difficultés graves dont souffrent de grandes entreprises — Manufrance à Saint-Étienne, Terrin (réparations navales) à Marseille, le groupe Boussac, etc. — et plusieurs branches industrielles — les textiles, le bâtiment la construction navale, la sidérurgie — engendrent l'inquiétude, laissant prévoir une rentrée tendue et peut-être agitée.

L'écologie et la violence

À ces préoccupations extérieures et sociales, il faudrait, pour être complet, ajouter encore deux soucis quasi permanents qui, à divers moments de l'année, ont soudain défrayé la chronique, prenant le pas sur le débat politique et l'envahissant même à l'occasion, pour revenir temporairement au second plan de l'actualité. Il s'agit, cette fois, des manifestations écologistes et de la violence terroriste.