Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Bourse

L'heure du soulagement

Le plongeon effectué par la Bourse de Paris en mai 1977 avait conduit l'indice général peu au-dessus de 50, niveau inférieur de moitié à celui de 1961. Une perte de 50 % en francs courants, bien plus considérable encore en monnaie constante, qui alarmait à juste titre les milieux financiers à l'heure où le second gouvernement de Raymond Barre présentait un nouveau volet de mesures destinées à redresser la situation économique avec, notamment, un emprunt de 6 milliards de F, qui en feront 8 dans la réalité. Tout était-il donc perdu pour la Bourse ?

Remontée

Assurément non, puisque, un an plus tard, les cours ont remonté de plus de moitié et que les conditions, sans être encore brillantes, justifient à nouveau un certain optimisme. Les excès étaient manifestes. La Bourse s'en rend compte quand Raymond Barre, dans un face-à-face avec François Mitterrand resté célèbre, récuse les chiffres du Programme commun que vient de publier l'Humanité et quand le commerce extérieur confirme le redressement amorcé depuis le début de l'année. C'est pourtant l'époque où l'OPEP retrouve son unité avec le relèvement du prix du pétrole de l'Arabie Saoudite et des Émirats, et la renonciation simultanée des autres membres à appliquer la hausse complémentaire prévue. Wall Street, de son côté, fait preuve de faiblesse, et le dollar est attaqué sur les différents marchés des changes, fléchissant contre le franc suisse et contre le mark aussi bien que contre le yen, à l'heure où le Japon fait état d'un excédent commercial record.

Aussi une pause succède-t-elle en juillet à la reprise technique de juin. La Bourse de Paris respecte cependant la tradition qui veut que les cours se raffermissent en août, et voit cette reprise se confirmer les mois suivants. Il est vrai que les taux de l'argent reculent — le taux d'escompte passe de 10,5 à 9,5 % —, que 5 milliards de F environ sont injectés dans le circuit économique pour soutenir l'activité et, surtout, que les dissensions de la gauche apparaissent au grand jour.

L'indice retrouve ainsi, fin octobre, à 64,6, son niveau du début de l'année. La reprise est de 28 % par rapport à mai, et les excès commis à la baisse ont été corrigés sans que les données soient suffisamment encourageantes pour que la hausse se poursuive. Cela d'autant plus qu'une certaine tension monétaire persiste, qui s'accompagne d'une hausse régulière de l'or, confirmée par les ventes successives du Fonds monétaire international.

Réformes

Sur le plan boursier, la grande affaire de l'été est la bataille pour le contrôle de la Compagnie de navigation mixte, bataille qui oppose le président de celle-ci, Marc Fournier, et ses alliés au groupe constitué autour de la BNP et du groupe d'armateurs Chargeurs-Delmas-Vieljeux. Alors que le prix de l'offre publique d'achat initiale faite par la Navale Chargeurs-Delmas-Vieljeux est de 140 F, les cours de la Compagnie de navigation mixte vont monter jusqu'à 311 F au terme d'une lutte passionnée, riche en rebondissements, où le combat financier se double d'un combat juridique, dans des conditions qui remettent en cause la réglementation en vigueur des offres publiques.

La Commission des opérations de Bourse en tirera les conclusions, avec les autres autorités de tutelle du marché, pour proposer diverses modifications techniques, mais aussi, dans une étape ultérieure, la révision de certains points du droit des sociétés relatifs à l'autocontrôle.

Indépendamment de la réglementation particulière de l'offre publique, se profile à l'horizon une réforme plus profonde du marché financier et de ses principes mêmes de fonctionnement. Il s'agit de faire disparaître la dualité de cotation comptant-terme qui remonte au XIXe siècle. Empreinte de lourdeur avec son mécanisme complexe des reports, elle n'est guère compatible avec la mise en place de l'imposition des plus-values. D'où la nécessité d'une simplification, qui permettrait en même temps un plus large recours à l'informatique et libérerait du personnel pour des fonctions commerciales, tout en améliorant l'information des professionnels sur les possibilités d'intervention autour d'un niveau de cours donné. Les grands choix sont faits. Le futur marché de Paris sera un marché de comptant assorti d'un dispositif de financement du découvert permettant les opérations spéculatives, sans lesquelles il n'y a pas de marché dynamique et vivant.

Échéance électorale

Ayant ainsi corrigé ses erreurs, la Bourse éprouve le besoin de souffler en novembre, avant de franchement baisser vers la fin de l'année. L'échéance des élections se rapproche, la tension monétaire va croissant sur les marchés des changes et la hausse des prix intérieurs ne paraît guère se ralentir. Les hausses encore importantes de l'indice, qui s'expliquaient au premier semestre, suscitent de plus en plus d'inquiétude au second, à mesure que diminuent les chances d'un redressement durable avant les législatives.