Le second événement est le voyage, le 19 novembre 1977, à Jérusalem du président Sadate. Il bouleverse toutes les prévisions politiques et a deux conséquences immédiates sur la Diaspora :
– l'espoir de la paix ; nombre d'institutions juives de France demandent à prendre contact avec des représentants égyptiens en France ou des journalistes arabes, afin de tenter d'apporter, elles aussi, leur contribution à un meilleur climat judéo-arabe ;
– en annonçant que l'Égypte est prête à envisager la paix avec Israël, Anouar el-Sadate rend nécessairement discutable la manière dont l'État d'Israël décidera de négocier cette paix. Les communautés juives, les institutions comme les individus apprécient différemment les initiatives qu'Israël devra prendre face à un président égyptien qui offre de reconnaître Israël, en échange de concessions fondamentales qui pourraient certes conduire à une dynamique de la paix mais qui présentent néanmoins des risques considérables, alors que les autres pays arabes et les organisations palestiniennes refusent tout dialogue avec l'État juif. Mais quels que soient les points de vue de l'une ou l'autre de ses institutions sur la politique d'Israël, la Diaspora lui accorde toujours une solidarité indivisible.

Solidarité

Elle s'exprime plus particulièrement à deux moments précis. C'est d'abord l'affaire des oranges empoisonnées au mercure. Lorsqu'à la fin du mois de janvier 1978 on découvre une dizaine d'oranges dans lesquelles on a injecté du mercure et qu'une organisation palestinienne revendique la responsabilité de cette action, des institutions comme des individus juifs apportent leur soutien à la vente des agrumes d'Israël. C'est le rush dans les communautés juives sur les oranges d'Israël, où l'on organise des marchés israéliens. À Marseille, l'affaire coïncide avec les 12 heures pour Israël organisées dans cette ville, auxquelles assistent plusieurs milliers de personnes en présence du député-maire, Gaston Defferre, et de l'ambassadeur d'Israël à Paris, Mordehaï Gazit. Jamais autant d'oranges israéliennes n'auront été vendues dans des manifestations similaires.

Quelques semaines plus tard, le terrorisme palestinien se manifeste de manière infiniment plus tragique. Le 11 mars 1978, un commando de l'OLP, débarquant sur une plage israélienne, s'empare d'un car sur la route de Tel-Aviv. L'opération coûte à Israël 36 victimes et de nombreux blessés. Là encore, toutes les communautés juives se mobilisent. Pour la première fois, depuis que l'ONU en recevant Yasser Arafat (Journal de l'année 1974-75) a considéré que l'OLP était l'unique représentant du peuple palestinien, un attentat contre des civils est officiellement revendiqué par cette organisation. L'ensemble des organisations juives de France demande la fermeture du bureau de l'OLP à Paris.

L'attentat a eu lieu le samedi 11 mars 1978, veille du premier tour des élections législatives en France. Les électeurs juifs, qui sont sollicités par les formations politiques, prennent note de la rigueur avec laquelle le président de la République, le gouvernement, les partis politiques condamnent l'attentat de l'OLP. Pour la première fois, le gouvernement présente ses condoléances aux familles endeuillées et le Parti républicain de Jean-Pierre Soisson va jusqu'à exprimer le souhait que soit fermé le bureau de l'OLP en France. Plus que jamais, on constate que la communauté juive de France, forte de 700 000 âmes selon un récent sondage de la Sofres, est également devenue un facteur politique.

L'observateur serait pourtant bien embarrassé de classer l'électorat juif dans le camp de l'une ou l'autre formation. Au-delà des options sociales de chaque électeur juif, celui-ci voit, à gauche comme à droite, une politique qui ne correspond pas aux amitiés et au soutien qu'il porte à l'État d'Israël en danger. Quoi qu'il en soit, le CRIF, qui est en quelque sorte l'organisme politique de la communauté juive de France, propose à toutes les communautés juives un canevas demandant aux candidats leur point de vue au sujet du Proche-Orient, de l'antisémitisme, des droits de l'homme, notamment pour les Juifs d'Union soviétique, les Juifs des pays arabes (comme ceux de Syrie, « retenus en otages »). Pour la première fois, la montée du fascisme et de l'antisémitisme en Argentine est suffisamment préoccupante pour que l'électeur juif demande aux candidats de se prononcer aussi sur la défense des libertés dans ce pays.

Enseignement

Le questionnaire du CRIF suggère aussi d'interroger le candidat à propos de l'enseignement libre. Plus de cinq mille élèves fréquentent en France les écoles juives. La plupart d'entre elles sont sous contrat avec l'État ; elles ajoutent au programme officiel des cours d'hébreu, de Talmud, de Bible. Il est aujourd'hui communément admis que la culture juive des enfants passe, en France, par l'école juive. Un accord précédemment conclu avec l'Agence juive pour Israël offre à la communauté juive de France la possibilité de construire de nouvelles écoles et d'ajouter des bâtiments à celles déjà existantes.