En français, on mêlera les activités de « libre dialogue » et les exercices plus dirigés, comme la traditionnelle dictée. On demande aux élèves de savoir manier les phrases avant de les leur faire analyser. On fera lire des textes anciens ou modernes. Le programme de mathématiques est allégé (disparition des notions de mathématiques modernes) et on insiste sur l'idée de faire manipuler les chiffres aux élèves.

Mais c'est surtout avec les sciences expérimentales que l'on introduit l'observation et la manipulation : en sciences physiques, les élèves étudieront ou même réaliseront des appareils simples, comme des circuits électriques ; en sciences naturelles, ils étudieront des fonctions biologiques (nutrition, respiration, reproduction), par l'observation de cultures et d'élevages. Pour l'éducation manuelle et technique, on leur demandera de résoudre des problèmes concrets, de faire des petites fabrications, de comprendre les appareils de la vie quotidienne déjà présentés à l'école primaire.

Enfin, en histoire et géographie, on continuera d'étudier le milieu environnant pour assimiler les notions de saisons, de reliefs ou de paysages, avant de s'intéresser aux grands types de climats, aux grandes civilisations du monde méditerranéen antique, à l'évolution de l'agriculture, ou à celle de l'écriture...

Malgré le souci de réalisme du ministre, ces programmes sont disparates en fonction des conceptions des inspecteurs généraux, de l'évolution des enseignants et des préoccupations de René Haby lui-même, hostile, par exemple, aux mathématiques modernes, désireux d'enseignement concret. Ainsi, en sciences physiques, n'a-t-on pas osé suivre jusqu'au bout les recommandations de la commission d'études formée en 1972 par Olivier Guichard. En histoire, on a introduit l'enseignement par thèmes, mais on a rétabli la continuité chronologique, à la demande des historiens... D'où de multiples controverses avec les spécialistes et les chercheurs.

Manuels

Mais l'initiative qui touche le plus les familles, c'est la gratuité des manuels scolaires, demandée depuis longtemps par les associations de parents d'élèves, les syndicats et les partis de gauche. Le gouvernement décide d'exécuter la promesse faite en janvier 1975 par Pierre Messmer, alors Premier ministre. Pour la sixième seule, on imprimera plus de cinq millions d'ouvrages nouveaux, par suite de la réforme des programmes. Les livres seront prêtés aux élèves à' partir de la rentrée 1977. Chaque établissement dispose pour acheter les manuels de 120 francs par élève de sixième. Un crédit supplémentaire de 11 francs par élève est prévu pour l'achat de « documents destinés à être utilisés collectivement » et au cas où les chefs d'établissement ne parviendraient pas à obtenir des libraires la réduction de 25 % escomptée par le ministère de l'Éducation.

L'affaire a entraîné des discussions serrées entre l'Administration et les éditeurs : l'opération va transformer le marché des manuels scolaires, qui ne seront renouvelés qu'au bout de quatre ans. L'Administration a voulu contrôler les prix et alléger les manuels, qu'elle juge trop gros et trop chers, et souvent trop compliqués. Les éditeurs trouvent la formule et les prix trop contraignants. Mais le renouvellement complet des manuels leur apporte un marché plus important.

Si le ministère parvient à un modus vivendi avec éditeurs et libraires, la gratuité des manuels ne suffit pas à désarmer ses interlocuteurs habituels : les syndicats d'enseignants, notamment ceux de gauche. La dispute porte sur plusieurs points. D'abord, sur l'entrée en sixième : une partie des élèves en difficulté à la fin de l'école primaire pourront redoubler la seconde année du cours moyen. Certains syndicats, notamment le Syndicat national des instituteurs (SNI, affilié à la Fédération de l'Éducation nationale), craignent que, pour éviter les difficultés dans la sixième unifiée, on ne maintienne à l'école primaire une partie des élèves, avant de les orienter vers l'apprentissage ou vers un enseignement spécialisé. Ils soupçonnent le ministre de rétablir aussi une sélection déguisée.