Il suffit de suivre les ventes, en France et à l'étranger, pour constater que l'audience de la philatélie reste toujours aussi importante. Quelques chiffres sont significatifs : à Londres, par exemple, un bloc de quatre, neuf, du no 1 qui avait été acheté 72,50 livres en 1961 a été revendu cette année 3 500 livres, soit environ 49 fois le prix d'achat. D'autres pièces ont été acquises pour le double de leur cote. En France, les nos 3 et 4 oblitérés de la poste aérienne ont atteint 41 010 F, mais ils sont cotés 18 750 F.

Il serait facile de multiplier les exemples. On avance volontiers que ce rush sur les timbres rares est dû surtout à l'instabilité des monnaies actuelles. En achetant des pièces de grande valeur, on cherche à préserver un capital d'une possible dépréciation. Doit-on, dès lors, établir une discrimination et penser qu'il ne s'agit là que d'un groupuscule de capitalistes cherchant uniquement à sauvegarder leur argent, alors que la masse des vrais philatélistes serait en régression ? Un autre chiffre s'inscrit en faux contre une telle assertion : à la Bourse aux timbres qui, à Paris, se tient au Carré Marigny, on n'a jamais compté autant de marchands patentés. On en dénombre plus de 200, soit le double d'il y a cinq ans !

Expositions

L'année philatélique a été calme. On doit néanmoins signaler l'exposition Juvarouen. Organisée à Rouen du 24 avril au 2 mai 1976, et jumelée avec le congrès annuel de la Fédération des sociétés philatéliques françaises, elle groupait les jeunes collectionneurs de timbres du monde entier. Elle a connu un franc succès.

Une autre exposition d'un style identique, mais belge cette fois, Thémabelga, plus spécialement réservée aux thématiques, s'adressait également aux jeunes.

Si la bonne santé de la philatélie semble, une fois de plus, ne pas souffrir des assauts qui lui sont livrés extérieurement (surtout par les numismates), on peut imaginer qu'elle risque de s'affaiblir d'un pays à l'autre, à cause d'un virus universel qui pourrait s'appeler la devisitomanie. Les gouvernements se sont rendu compte que le commerce des timbres représentait une rentrée importante de devises. Alors on multiplie les émissions ; on augmente les valeurs faciales, et on plume le collectionneur. En 1972, année pour laquelle on a pu effectuer un recensement à peu près complet, on a évalué à plus de 10 000 le nombre des émissions du monde entier.

Autre critique formulée par nombre de petits collectionneurs : non seulement il y a trop d'émissions, mais les valeurs faciales sont de plus en plus fortes.

Faux

Autre maladie de la philatélie, baptisée la faussite : il semble qu'il y ait de plus en plus de timbres faux sur le marché. Une campagne est orchestrée, à l'échelon des négociants, pour que ces faux soient désormais non seulement reconnus mais signalés. Une première mesure conseillée aux experts est d'inscrire au dos du timbre sa qualité et de dénoncer ainsi la falsification. Mais encore devrait-on être certain que cette disposition soit acceptée par tout le monde. Un journaliste philatélique signale à ce propos l'amusante mésaventure qui lui est arrivée. Il écrivit un jour à un négociant pour lui demander s'il n'avait pas quelques faux à lui céder. Par retour du courrier on lui proposa un petit lot pour 1 595 F, c'est-à-dire une somme nettement plus importante que la valeur du même lot en timbres réels. Le journaliste s'en étonna, mais avec la meilleure bonne foi le marchand lui répondit : « Savez-vous que dans ce lot il y a un faux très rare et très recherché ? »

Il ne faut d'ailleurs pas exagérer cette faussite. Les faux en timbres anciens actuellement en circulation ne dépassent pas la proportion de 1 pour 1 000. Cette proportion, en ce qui concerne les timbres réparés, atteindrait 30 %, ce qui doit être considéré comme beaucoup plus grave. Peut-être y a-t-il ici plus-values sur le pourcentage, mais il est évident que certains commerçants ont pris la fâcheuse habitude de faire réparer les timbres anciens en mauvais état et que cette pratique fausse le marché.