Dans les grandes villes, beaucoup d'établissements manquent chroniquement de personnel administratif ou technique : Paris-VII dépense 40 % de ses crédits de fonctionnement pour payer des contractuels. Au printemps 1975, un accord a été conclu entre Jean-Pierre Soisson et les présidents d'université pour mettre fin à cette pratique et résorber un déficit qui remonte souvent à la création des universités. Mais seules les restrictions ont suivi, non les créations de postes. La hausse des prix et le blocage des subventions de fonctionnement et de recherche ont mangé les réserves des universités. Les chercheurs, en particulier, commencent à manquer de matériel. L'adoption, en 1976, de critères plus rationnels de répartition des crédits entre les universités ne compense par leur insuffisance relative.

Grogne

Le secrétariat d'État veut établir de nouveaux rapports avec les universités, devenues autonomes : attribution globale de crédits qu'elles peuvent utiliser plus librement ; discussion ouverte de leurs programmes de développement avec l'Administration. Mais parfois il ne se prive pas d'intervenir sans consultation dans la vie des universités, à Mulhouse et à Clermont-Ferrand comme à Caen. Pour l'université de Corse, créée (sur le papier) en novembre 1975, il reprend la même organisation qu'à Compiègne. Un directoire comprend le président, nommé par le secrétariat d'État, et les directeurs, nommés par lui, des quatre départements prévus (sciences juridiques ; administration économique et sociale ; formation aux professions du tourisme ; sciences et techniques). Quatorze des vingt-cinq membres du conseil d'université sont des personnalités extérieures, nommées aussi par le secrétariat d'État, et non des représentants du personnel et des usagers de l'établissement.

Au total, la politique de dialogue engagée par Jean-Pierre Soisson avec les universités (surtout avec leurs présidents) et ses multiples proclamations de bonnes intentions ne suffisent pas à calmer l'irritation provoquée par certaines décisions arbitraires et surtout par la modicité des moyens. Celle-ci se traduit en 1975-1976 par un glissement à gauche de nombreux conseils d'université, qui se répercute sur le choix des présidents : des syndicalistes succèdent à des notables.

Explosion

Pendant l'hiver, la réforme du deuxième cycle met le feu aux poudres. C'est le premier mouvement d'importance dans les universités depuis 1972.

À Nantes, en décembre 1975, une grève des étudiants en droit pour faire inscrire en troisième cycle 68 de leurs camarades qui n'avaient pas été admis, gagne l'ensemble de l'université et se prolonge jusqu'au 23 janvier 1976 : la crainte de l'avenir a sensibilisé les étudiants aux propositions des gauchistes. En janvier, à Tours, ce sont les difficultés de fonctionnement et les revendications du personnel administratif des UER de lettres qui donnent le départ d'une longue grève d'étudiants, encore isolée.

Tardivement, mais vigoureusement combattu par le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESup) et le Syndicat général de l'Éducation nationale (CFDT), l'arrêté réformant les études du deuxième cycle est publié le 20 janvier 1976. Mais c'est seulement à partir de la deuxième semaine de février que les grèves d'étudiants se multiplient contre cette réforme, et de plus en plus rapidement, gagnant successivement Rennes, Amiens, Grenoble, Limoges, Orléans, Bordeaux, Perpignan, Dijon : des établissements qui passent pour agités et d'autres réputés calmes, des universités où l'influence des mouvements de gauche ou des gauchistes est importante et d'autres où elle est faible. Les grèves s'y étendent vite à toutes les disciplines, sauf la médecine et la pharmacie, généralement sans rencontrer d'opposition.

Parfois, comme à Toulouse, à Clermont-Ferrand ou à l'Institut national des sciences appliquées de Lyon, elles sont aussi suscitées par des difficultés locales. Dans les instituts universitaires de technologie, les inquiétudes provoquées par la réforme du deuxième cycle prolongent un mouvement quasiment annuel pour obtenir la reconnaissance du diplôme de fin d'études dans les conventions collectives.