Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Cela explique sans doute que cet accroissement du chômage n'ait pas provoqué l'explosion sociale que beaucoup redoutaient. Les grèves, en 1975, sont restées au même niveau que celles des années précédentes (moins de 4 millions de journées de travail perdues pour fait de grève). Les syndicats, au demeurant divisés, n'ont pas pu organiser de grands mouvements revendicatifs. Eux aussi attendaient la reprise pour trouver des conditions plus favorables à l'action. Quant au patronat, il a été grognon toute la période. Il vient de traverser la première vraie crise d'après guerre ; ses profits en ont pris un coup ; malgré cela, il n'a pas licencié tout le personnel qu'il avait en trop ; conscient d'avoir fait son devoir, il a été d'autant plus déçu par l'action du gouvernement qui, de l'été 1974 à l'été 1975, lui a fait porté l'essentiel du poids de la politique d'austérité ; et qui, par la suite, lui a imposé des réformes (réforme de l'entreprise, imposition des plus-values) qui ne lui plaisaient pas. Léon Gingembre, président des PME, a même adressé au début de l'année 1976 une lettre ouverte au chef de l'État pour lui exprimer le ras-le-bol des patrons.

Concessions

Le gouvernement a fini par lâcher du lest des deux côtés. Il a accordé la retraite à 60 ans à certains salariés, encouragé les discussions pour la réduction de la durée du travail (laquelle était revenue de 45 heures par semaine en 1969 à 42 heures en 1975) sans réduction du salaire. Il a conclu des accords de salaires dans la plupart des entreprises du secteur public, avec les syndicats modérés (y compris la Fédération de l'Éducation nationale, pourtant de tendance socialiste), la CGT et la CFDT refusant toujours de tels accords. Côté patronal, le gouvernement a ouvert les vannes du budget pour les entreprises ; il a décroché le franc du mark, ce qui a fait plaisir aux exportateurs ; et il a redonné la liberté aux prix de nombreux produits industriels (dont certains, comme les voitures, en ont môme quelque peu abusé). Enfin, le gouvernement a dû s'engager solennellement vis-à-vis des agriculteurs à mettre fin à la dégradation de leurs revenus. La sécheresse intervenue au printemps 1976 devait entraîner des dépenses supplémentaires en faveur des agriculteurs, vers la fin de l'année.

VIIe Plan

C'est dans cette ambiance de crise économique à peine surmontée et de morosité sociale que s'ouvrent, à l'automne 1975, les discussions pour la mise au point finale du VIIe Plan (1976-1980).

Le gouvernement avait fixé, préalablement, deux priorités : le rétablissement du plein-emploi et celui de l'équilibre extérieur. Durant l'hiver 1975-1976, le chef de l'État lui-même reconnaît que, pour remonter le moral des patrons et désarmer l'opposition, il faut mettre encore plus en avant la priorité à l'emploi. En avril 1976, le gouvernement adopte le projet définitif de VIIe Plan, qui devait être soumis au Parlement en juin.

Durant la préparation en commissions, la CGT et la CFDT s'en vont en claquant la porte, faisant valoir que le Plan négligeait les objectifs sociaux au bénéfice des objectifs industriels. De fait, le patronat se déclare rassuré par l'évolution des travaux. Finalement, le Plan prévoit un objectif de croissance économique de 5,5 à 6 % par an, en moyenne, de 1976 à 1980. Soit exactement le taux de croissance moyen de l'économie française de 1970 à 1973. Mais, ensuite, les choses se sont gâtées et, finalement, le VIe Plan (1971-1975) n'a atteint aucun de ses objectifs : il devait réaliser une croissance de 5,9 % par an, en moyenne, il n'a fait que 3,6 % ; les investissements ont augmenté moitié moins que prévu ; les prix et les salaires, deux fois plus vite. Cela rend évidemment prudent sur l'évaluation des chances de réaliser les objectifs du VIIe Plan.

Prévisions

Si tout se passe comme prévu, le chômage sera ramené à 600 000 personnes en 1980 et la hausse des prix à 6 %. Le déficit extérieur ne sera pas entièrement résorbé, mais il restera supportable autour de 9 milliards de F. Les comptes de l'État et de la Sécurité sociale seront équilibrés, moyennant un alourdissement sensible de la charge des impôts et des cotisations sociales : l'ensemble de ces prélèvements obligatoires, stabilisé autour de 40 % de la production nationale depuis plusieurs années, passerait à 43 % en 1980.