Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Il est évident qu'avec une hausse persistante des revenus on ne pouvait pas s'attendre à un ralentissement brutal de la hausse des prix, dont il ne faut jamais oublier qu'elle avait été la cause profonde de cette crise. C'est pour lutter contre une inflation débridée que tous les gouvernements avaient mis en œuvre des politiques restrictives dont la conséquence avait été de ralentir, partout, l'activité.

Prix

L'objectif du plan Fourcade, en juin 1974, était de ramener la hausse des prix à 0,5 % par mois au deuxième semestre de 1975 et de rétablir l'équilibre de nos échanges avec l'étranger avant la fin de cette année. Or, la hausse des prix n'est jamais revenue à 0,5 % par mois. Elle a été de 0,7 % par mois en juillet et en août, de 0,8 % en septembre et en octobre, de 0,6 % en novembre et en décembre, pour remonter à 1,1 % en janvier 1976, 0,7 % en février, 0,9 % en mars puis en avril. Sur l'ensemble de l'année 1975, entre le début et la fin, le coût de la vie a augmenté de 9,6 % contre 15,2 % en 1974. Et, pour 1976, on ne prévoit pas une hausse des prix inférieure à 10 %.

C'est l'aspect le plus préoccupant de la crise : nous n'en sortons pas guéris. Déclenchée pour endiguer l'inflation, cette crise — avec son cortège de chômeurs et de faillites (deux fois plus que la moyenne) — ne l'a pas fait reculer en deçà de 10 % par an. Nous restons dans la zone dangereuse de « l'inflation à deux chiffres ». Les récessions précédentes — beaucoup moins profondes, comme nous l'avons vu —, déclenchées elles aussi pour lutter contre l'inflation, avaient obtenu des résultats meilleurs : en gros, elles avaient permis de réduire le taux d'inflation de moitié, à moindres frais. La crise de 1974-1975 n'a réduit la hausse des prix que d'un tiers. Tout se passe exactement comme s'il fallait des thérapeutiques de plus en plus brutales pour obtenir une rémission de plus en plus faible dans cette maladie chronique des sociétés industrielles, l'inflation.

Inflation

De ce point de vue, la situation de la France est préoccupante. Aux États-Unis, deux années de crise (chute de la production de 2 % en 1974, puis à nouveau en 1975) ont permis de ramener le taux d'inflation de plus de 10 % à environ 6 % en 1976. En Allemagne, la production n'a pas augmenté en 1974 et elle a chuté de près de 4 % en 1975, mais la hausse des prix est revenue de près de 10 % à moins de 5 % par an. Une maigre consolation : dans les autres pays, ce n'est guère mieux que chez nous.

En revanche, J.-P. Fourcade a obtenu de meilleurs résultats sur le commerce extérieur. Dès février 1975, nous avons retrouvé l'équilibre ; mais nous l'avons reperdu en octobre. Sur l'ensemble de l'année, nous avons dégagé un solde positif, qui contraste avec le fort déficit de 1974, dû à la facture pétrolière. Mais, là encore, il faut bien comprendre ce qui s'est passé. Ce n'est pas l'essor de nos ventes à l'étranger qui nous a permis de compenser l'alourdissement de nos charges à l'importation. C'est la crise économique qui a provoqué la chute de nos achats à l'étranger, grâce à quoi nous avons aisément couvert ceux-ci par nos exportations qui ont été, en janvier 1976, à peine supérieures à ce qu'elles étaient en janvier 1975 : 19 milliards de F contre 18,6.

Nouveaux marchés

Ce maintien du volume de nos ventes à l'étranger n'a été possible que par un effort de pénétration sur de nouveaux marchés : pays producteurs de pétrole (tous ensemble, ils sont devenus notre deuxième client, derrière l'Allemagne) et pays socialistes (auxquels, pour la totalité, nous avons plus vendu qu'aux États-Unis en 1975). En 1976, il a fallu revenir vers nos marchés traditionnels, car les pays pétroliers ont dévoré leur trésor et les pays socialistes (notamment l'Union soviétique) connaissent à leur tour des difficultés économiques.

Le Xe Plan quinquennal (1976-1980), présenté en février 1976 au XXVe Congrès du parti communiste soviétique, illustre bien ces difficultés. C'est un plan relativement austère qui tire les leçons des déboires de l'Union soviétique en matière agricole et à cause de la faible productivité de la main-d'œuvre. Le revenu national de l'URSS, qui aurait dû croître de 38 % de 1971 à 1975, n'a augmenté que de 28 %.