Le refus d'Israël de procéder à un nouveau retrait du Golan avant la signature d'un traité de paix exclut très rapidement la Syrie des négociations en cours. Il en va de même pour la Jordanie, qui juge nettement insuffisante la portion de la Cisjordanie que l'État juif propose de lui restituer. Les tractations entre Le Caire et Jérusalem paraissent plus prometteuses, puisque Israël est disposé à rendre à la souveraineté égyptienne une partie non négligeable du Sinaï, y compris les cols stratégiques de Mitla et de Gidi, ainsi que les champs pétrolifères d'Abou Rodeis.

Cependant, la négociation se heurte à deux obstacles majeurs : l'Égypte refuse de souscrire à un accord de non-belligérance avant l'aboutissement à un règlement global et définitif ; elle insiste, d'autre part, pour que tout retrait du Sinaï soit suivi par des dégagements militaires analogues sur les deux autres fronts, celui du Golan et de Cisjordanie. Le président Sadate, en effet, estime qu'il ne peut se permettre de conclure un accord séparé qui lui attirerait l'inimitié de la Syrie, de la Jordanie et des organisations palestiniennes, ainsi que la réprobation d'une bonne partie du monde arabe.

Le gouvernement Rabin, de même, tient compte de l'opinion israélienne et de l'opposition des formations nationalistes, puissantes au Parlement, qui lui interdisent de céder une partie aussi importante du Sinaï sans obtenir la signature d'un accord de non-belligérance.

Le président Ford et Henry Kissinger laissent entendre, à plus d'une reprise, qu'ils estiment excessives les exigences d'Israël et tiennent pour responsable le gouvernement Rabin de l'échec de la mission du secrétaire d'État. Les dirigeants américains répètent inlassablement que Washington devait tenir compte des intérêts économiques et stratégiques des États-Unis au Proche-Orient, sans pour autant mettre en péril l'existence et la sécurité d'Israël. Ils sont d'autant plus enclins à ménager les États arabes que ceux-ci multiplient les gestes de bonne volonté à l'égard des États-Unis.

Les déclarations conciliantes des dirigeants arabes paraissent avoir comme objectif, entre autres, de faciliter la tâche de Henry Kissinger et du président Ford face à l'opinion et au Congrès américains, largement acquis aux thèses de l'État juif. Le président Sadate et le roi Hussein ne manquent pas une occasion de proclamer qu'ils sont disposés à reconnaître Israël et à conclure un accord de paix définitif. Pour la première fois, le président syrien Assad tient des propos identiques dans une interview publiée le 23 février par le magazine américain Newsweek. Le roi Khaled d'Arabie Saoudite, de même, se déclare prêt, le 25 mai, (dans les colonnes du Washington Post), à accepter l'existence de l'État juif, déclaration sans précédent dans les annales du royaume wahabite.

À la surprise générale, le gouvernement de Damas décide, fin mai, de reconduire pour six mois le mandat des forces de l'ONU dans le Golan. La réouverture du canal de Suez, le 5 juin, indique que l'Égypte, comme la Syrie, n'a pas l'intention de reprendre les hostilités pour libérer les territoires occupés et qu'elle continue de miser sur un règlement négocié. D'ailleurs, aucun incident ne vient troubler le calme qui règne sur les lignes du cessez-le-feu séparant Israël de la Syrie, de la Jordanie et de l'Égypte. Seule la frontière libanaise est le théâtre d'accrochages quasi quotidiens ; les autorités israéliennes lancent des actions punitives contre des localités qui serviraient de refuge aux palestiniens.

Pressions

Après l'échec de la dernière mission Kissinger, fin mars, le président Ford annonce que l'administration procédera à un réexamen de la politique américaine au Proche-Orient. Ses entretiens avec le président Sadate à Salzbourg, les 1er et 2 juin, et avec Rabin à Washington, les 11 et 12 du même mois, devaient contribuer précisément à faire le point de la situation. En réalité, Washington accentue ses pressions sur le gouvernement de Jérusalem. Dès le 5 avril, le département d'État annonce que les livraisons d'armements à l'État juif sont interrompues en attendant les conclusions de l'administration concernant le réexamen de la politique américaine. La requête de Jérusalem d'une aide militaire et économique de 2,5 milliards de dollars est laissée en suspens. La décision de Rabin, annoncée le 2 juin, d'alléger les effectifs israéliens dans la zone de dégagement du Sinaï est accueillie avec une certaine réserve, teintée de scepticisme, par les responsables américains, qui minimisent la portée du geste.