Antonioni déchaîne une fois de plus controverses et passions avec Profession : reporter, dont le plan final restera dans l'anthologie des morceaux de bravoure cinématographiques.

Fellini, Pasolini, Bertolucci n'ont pas donné de films cette saison mais en préparent pour la prochaine. Comencini avec Un vrai crime d'amour, une dénonciation des conditions de travail dans les usines chimiques, Dino Risi avec Au nom du peuple italien, duel passionnant entre un puissant homme d'affaires (Vittorio Gassman) et un juge de gauche (Ugo Tognazzi), puis dans Parfum de femme, présenté à Cannes et qui valut à Vittorio Gassman, superbe, le prix d'interprétation, Elio Petri avec La propriété c'est plus le vol, ont continué leur portrait au vitriol (très maîtrisé) de la société. Moins convaincant, Mauro Bolognini n'a su faire avec La grande bourgeoisie qu'un film d'esthète trop joli pour être efficace, malgré la vaporeuse blondeur de Catherine Deneuve, et Vittorio De Sica (disparu le jour où son film sortait à Paris) qu'une évocation mélodramatique et rétro dans son Voyage romantique à deux, Sophia Loren et Richard Burton, un peu éteints, n'y croyant guère eux-mêmes.

Bouclant le triptyque entamé avec le Décaméron et les Contes de Canterbury, Pasolini continue d'exalter la plastique masculine dans des Mille et une nuits confuses et belles, avec surtout de splendides paysages pour la première fois révélés.

Liliana Cavani n'a pas réédité son succès de scandale obtenu avec Le portier de nuit. Milarepa, qui retrace une quête mystique et bien que fort beau, reste plutôt confidentiel. Enfin, du côté de la relève, les frères Taviani, avec Allonsanfan, présenté à Cannes à la quinzaine des réalisateurs, s'annoncent comme de dignes successeurs des grands de naguère. Du côté des acteurs, Marcello Mastroianni, bien qu'installé en France, ne renie pas son pays (il tient, notamment, la vedette d'Allonsanfan). Comme lui, ou comme Lea Massari, la plupart des grands acteurs de la péninsule font désormais des carrières internationales. En sens inverse, c'est Alain Delon qui a voulu le Zorro, bien décevant, tant du point de vue cinématographique que commercial tourné en coproduction avec Duccio Tessari.

Grande-Bretagne

Un nom domine : Joseph Losey. Avec Une Anglaise romantique, il brosse un beau portrait de femme d'aujourd'hui, où, aux côtés de Michael Caine et de Helmut Berger, Glenda Jackson donne une fois encore la mesure de son grand talent.

Le reste de la production est hétéroclite et sans révélations : Richard Lester se met à l'heure du film-catastrophe avec Terreur sur le Britannic, où Omar Sharif promène avec nonchalance son œil de braise. Ken Russel ressuscite, dans un baroque flamboyant, le compositeur dans un film (Mahler) où les fantasmes personnels de l'auteur, bien torturé, sont magnifiés par une réelle beauté formelle (et que notre président de la République, surpris dans la salle, un soir, a contribué à lancer un peu plus qu'il n'aurait dû l'être). Ronald Neame, en coproduction avec l'Allemagne, se lance à la chasse aux nazis dans Dossier Odessa, un dossier décevant. C'est du côté des marginaux qu'une surprise (relative) est venue, avec notamment A bigger splash de Jack Hazan et Fous de vivre, un film sur les expériences d'antipsychiatrie de Ronald Lairg, filmées par Peter Robinson.

Pays divers

De plus en plus, le cinéma s'internationalise, et l'on ne sait pas trop parfois, par le biais des coproductions ou des échanges d'acteurs, où ranger tel ou tel film. C'est le cas de Grandeur nature, aux capitaux français, italiens et espagnols. Un film, pourtant, que la nationalité de Luis Berlanga, son auteur, signe : c'est bien d'Espagne que pouvait venir cette rêverie masochiste d'un homme qui préfère aux femmes leur sosie grandeur nature en matière plastique. Malgré la performance de Michel Piccoli, une fois de plus très à l'aise dans un film fait pour mettre mal à l'aise, Grandeur nature reste peu convaincant. Deux œuvres venues d'Espagne ont, en revanche, connu un succès de critique justifié, que le choix du public n'a malheureusement pas suffisamment ratifié : Anna et les loups, où Geraldine Chaplin confirme ses dons de comédienne, et surtout la Cousine Angélique, tous deux de Carlos Saura.