Ce que me dit l'amour, sa troisième œuvre, est plus humaine, plus psychologique. Sur une partition de Malher, c'est le ballet de la tendresse, de la communication humaine.

Maurice Béjart aurait dû assumer la direction artistique du festival 1974 d'Avignon. Il voulait y convoquer les troupes les plus caractéristiques du monde entier, faire de la ville, pendant un mois, un immense studio de danse où se seraient confrontés tous les styles, toutes les aspirations. Le projet avorte. M. Béjart le reprend en juin et juillet 1975 à Venise, où se succèdent une dizaine de compagnies, aussi bien la troupe folklorique du Sénégal que les ballets classiques de Tokyo. Son école de danse de Bruxelles, Mudra, y crée un ballet, Acqua alta, évoquant la submersion de la ville des Doges par les hautes marées.

Création

L'Opéra de Paris possède la troupe de danse la plus nombreuse du monde : 145 danseurs et danseuses, répartis en deux troupes, Garnier (le ballet de l'Opéra proprement dit) et Favart (qui a repris les éléments de feu l'Opéra-Comique).

Son effort de création n'est pas proportionnel à ses moyens. Une seule création de premier plan : Tristan, de l'Américain Glen Teatley, un ballet de style contemporain consacré lui aussi à la légende de Tristan et Iseult, mais de façon allusive, presque ésotérique. L'étoile américaine Carolyn Carlson et la jeune vedette de l'Opéra, Jean Guiserix, y remportent un grand triomphe malgré la participation du célèbre danseur Rudolf Noureev.

Rudolf Noureev donne également à l'Opéra une version personnelle d'un ballet du répertoire de son ancien théâtre, le Kirov de Leningrad : La bayadère (composée en 1877 par le fondateur de l'école russe, le maître de ballet marseillais Marius Petitpa). Cette reconstitution passe inaperçue ; au même programme figure une autre reprise, une œuvre contemporaine celle-là, Le prélude à l'après-midi d'un faune de Jérôme Robbins (l'auteur est venu spécialement des États-Unis pour enseigner sa chorégraphie à Ghislaine Thesmar et à son partenaire Michaël Denard, le couple vedette de la saison).

Plus de faune poilu, rêveur et lascif. Jérôme Robbins se sert de la partition de Debussy pour évoquer une très chaste idylle à peine ébauchée dans un studio de danse entre deux élèves. Une œuvre tout en nuances où la liberté contemporaine s'allie à la tradition classique.

Autres reprises à l'Opéra : Soir de fête, un extrait de La source de Léo Delibes, dont l'inspiration trahit cruellement ses 109 ans d'âge et l'évolution du goût du public ; Jeux de cartes, de Janine Charrat, œuvre qui, il y a trente ans, paraissait marquer l'évasion du ballet hors de ses contraintes ; Petrouchka, qui garde les prestiges de la partition de Stravinski, mais qui, dans la nouvelle mise en scène de Rudolf Noureev, paraît assez affadi.

Festival

Roland Petit, avec son ballet de Marseille, montre aux Parisiens, à l'occasion du festival d'automne, le ballet inspiré de Proust qu'il avait promis à l'Opéra il y a quatre ans pour le centenaire de la naissance du romancier. C'est une sorte de condensé d'À la recherche du temps perdu. Si l'on oublie le clinquant de certaines mises en scène, on y découvre, surtout dans les pas de deux, des morceaux de vraie et pure danse où le style néoclassique des années d'après-guerre, qui est resté celui de Roland Petit, se montre éloquent et délicat.

Du même auteur, l'Opéra donne La symphonie fantastique sur des extraits de la partition de Berlioz. L'œuvre est montée autour de Zizi Jeanmaire, femme du chorégraphe, qui, après la carrière récente que l'on sait au music-hall, revient sur la scène nationale où elle a fait ses débuts de jeune danseuse. Là aussi, ce sont les scènes à deux personnages (Zizi et son partenaire Michaël Denard) qui recueillent les suffrages les plus nombreux.

Vitalité

Finalement, la saison 1974-75 souligne la vitalité des jeunes compagnies. C'est chez elles que l'on voit la danse se réinventer.

On accuse volontiers l'État de ne rien faire pour aider à la création artistique. Ce n'est pas exact : il convient de noter que bien des maisons de la culture ont maintenant leur troupe de danse qui anime leur région, tourne à travers la France et, dans les meilleurs cas, à l'étranger. Et le Ballet-Théâtre contemporain, fondé en 1968, est, parmi ces troupes, la plus ancienne. Il forme le noyau du Centre national lyrique et chorégraphique d'Angers.