Régions

Débuts timides de la réforme régionale

La réforme régionale, sur laquelle le général de Gaulle avait livré et perdu sa dernière bataille (Journal de l'année 1968-69), a finalement connu un timide démarrage au début de 1974.

Les nouvelles institutions prévues par la loi du 5 juillet 1972 ont été mises en place en janvier 1974.

99 % des 1 387 sièges des conseils régionaux (composés de tous les députés et sénateurs de la région, de représentants élus par les conseils généraux, les conseils municipaux et les communautés urbaines) étaient pourvus : seuls demeuraient vacants quelques sièges en Haute-Normandie (conseil général de l'Eure et ville d'Évreux) et en Provence-Côte d'Azur (Nice et Cannes), absences résultant de dissensions à l'intérieur de ces régions, entre départements ou villes en conflits de rivalité.

De la même façon, 93 % des 1 313 sièges des comités économiques et sociaux (comprenant des représentants, désignés pour cinq ans, des quatre catégories suivantes : compagnies consulaires, organismes professionnels et syndicaux ; activités spécifiques de la région ; activités sanitaires et sociales, familiales, culturelles et sportives ; personnalités qualifiées) étaient assurés. Manquaient à l'appel les représentants de quelques organisations, notamment syndicales.

Budgets

L'élection des présidents et des bureaux, l'établissement des premiers budgets régionaux ont occupé l'essentiel de l'activité des nouveaux organismes jusqu'à l'élection présidentielle.

La première tâche des conseils a été de voter les budgets régionaux. La loi avait strictement limité à « 25 F par habitant dénombré dans la circonscription au dernier recensement général (1968) le total des ressources que chaque établissement public régional peut recevoir ». Pour le premier exercice, cette limite était même fixée à 15 F. Or, les assemblées régionales n'ont pas toutes décidé d'atteindre ce plafond. Les taxes régionales comprennent :
– le transfert de l'État aux régions, de la taxe sur le permis de conduire ;
– les suppléments que la région est libre de prélever sur certains impôts d'État (taxes sur les cartes grises et sur les cessions immobilières) et sur certains impôts locaux (taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe d'habitation et taxe professionnelle).

Cette prudence s'expliquait en partie par les incertitudes économiques et, surtout, politiques de l'époque. L'élection présidentielle et la formation du gouvernement Jacques Chirac pouvaient, à la mi-juin, laisser entrevoir des décisions plus audacieuses.

Il reste que la timide tentative ébauchée au printemps 1974 pouvait servir de support à plus dévastes desseins. Mal perçue des Français (plus sensibles aux bruyantes manifestations d'un autonomisme exacerbé en Corse, en Bretagne ou en Occitanie), tenue étroitement sous tutelle par le préfet, représentant de l'État, la région a fini par naître dans le pays le plus centralisé d'Europe.

Un tournant dans la politique d'équipement

Après un demi-siècle de sommeil et d'irrésolution, deux hommes ont, en France, cherché a donner un sens et un contenu à une urbanisation longtemps abandonnée à l'anarchie et aux appétits privés. Ces deux hommes ont œuvré dans des directions différentes et, finalement, contradictoires, bien que se réclamant du gaullisme.

Conceptions

Le premier, Paul Delouvrier, grand commis de l'État, a été placé par le général de Gaulle en 1961 à la tête du nouveau District de la Région parisienne ; pour lui, il ne s'agissait pas tant de maîtriser l'urbanisation galopante que de l'organiser. Peu importe que la population des villes françaises double, triple voire quadruple en vingt ans : l'essentiel est de prévoir à temps les grands équipements (routes, transports, écoles, hôpitaux) indispensables. C'est la vision d'une France de 100 millions d'habitants, celle de De Gaulle et de Michel Debré, qui justifie ce choix où la « grandeur » contrebalance les autres considérations.

Pour Olivier Guichard, fondateur, en 1963, de la Délégation à l'aménagement du territoire (DATAR), c'est une tout autre vue des choses qui doit prévaloir. O. Guichard s'oppose à P. Delouvrier sur plusieurs plans, et notamment sur la croissance de la Région parisienne. Aux villes nouvelles demi-millionnaires rêvées par le délégué général aux portes de la capitale, O. Guichard préfère le développement harmonieux des « villes de la couronne » (Amiens, Reims, Orléans, Chartres, Rouen, etc.). À l'objectif d'une monstrueuse mégalopole parisienne poussant ses tentacules jusqu'à la mer, au rêve d'une nouvelle Ruhr crachant ses fumées dans la vallée de la basse Seine, O. Guichard oppose l'image d'une décentralisation rétablissant l'équilibre dans un pays affligé d'une tête énorme et d'un corps débile.