Les tarifs postaux ont été établis de façon à encourager l'envoi d'imprimés de toutes sortes ; il en résulte une masse énorme de documents, dépourvus souvent de toute utilité pour la personne qui les reçoit et qui prennent immédiatement le chemin de la corbeille. Au coût du transport à domicile s'ajoute celui de l'enlèvement ultérieur. Faire et défaire, dit le proverbe, c'est toujours travailler.

Il y a trois ou quatre ans, sous la pression des papetiers et de normalisateurs dépourvus d'idées... normales, le format réglementaire dans tous les pays a été porté de 21 × 27 à 21 × 30. Il en est résulté une surconsommation inutile, contre laquelle aucun gouvernement n'a osé réagir. L'augmentation abusive du format a entraîné celle des enveloppes, des chemises, des dossiers, des classeurs et parfois des meubles. Le plus surprenant est que les contribuables et consommateurs que nous sommes tous, si portés à la contestation et à la plainte sur tant de points, n'aient jamais élevé la voix contre une mesure aussi déraisonnable. Quant au gouvernement, toujours à la recherche de francs et de devises, il pense à des pressions fiscales plus qu'à une réduction de cette consommation superflue.

Nous avons évoqué plus haut la faible récupération de papier, particulièrement en France, résultat, elle aussi, de calculs erronés. N'allons pas plus loin dans cette voie, tant il faudrait de... papier.

Circulation

Dans aucun domaine, les comptes ne sont tenus à l'opposé des réalités, ce qui entraîne des déperditions extravagantes.

Comme il n'est pas possible de placer un compteur à oxygène auprès de chaque arbre, ni un compteur à gaz au pot d'échappement de chaque véhicule, les arbres sont fatalement sacrifiés au profit des voitures. Celles-ci sont d'ailleurs favorisées de diverses façons (contrairement à une opinion très travaillée en sens contraire), particulièrement par le fait qu'elles ne paient pas leur espace dans les villes. Selon le droit public et aussi selon les règles de l'optimation économique, les véhicules devraient avoir un garage propre et non loger sur la voie publique.

Le non-respect de ce principe est la cause primordiale de l'encombrement des villes, dont le coût très élevé se fait sentir plus encore, sur la balance des comptes, depuis l'augmentation du prix du pétrole.

Les erreurs de comptes, et notamment une fiscalité éloignée de l'optimation sur les poids lourds, se retrouvent aussi dans le bilan des transports, tant sur le budget de l'État que sur la balance des comptes, notamment en énergie. La répartition des trafics s'est faite au profit des transports les plus coûteux nationalement, en francs et en devises, sans parler des vies humaines. Mais, dans ce domaine, personne n'ose élever la voix ; toute une machine – disons tout un groupe d'hommes – s'oppose à la publication de quelques chiffres, même officiels.

Chômage

Il est toujours affligeant, même sur le plan purement économique, de voir des ressources humaines non employées. Il est, par contre, facile de voir que le plein-emploi permanent et affectant à chaque moment toutes les catégories entraînerait, comme c'est le cas en Chine et en d'autres pays socialistes, d'autres déperditions par sous-productivité. Restant ici dans l'aspect proprement matériel, nous n'entendons montrer ici que des erreurs flagrantes de comptabilité, en en présentant un schéma partiel et un peu simplifié pour des raisons de clarté.

Lorsqu'un homme ne donne pas la pleine production attendue de lui (personne âgée, un peu faible par exemple), l'entreprise ne le conserve pas ou évite de le recruter. Elle n'entend pas payer 100 pour une personne ne produisant, disons, que 90.

Mais, du même coup, la collectivité paie 50 ou 60, et parfois davantage, pour une personne produisant zéro. La perte est bien plus grande, mais le fractionnement des comptes (État, entreprises) l'ordonne ainsi. Divers moyens seraient concevables pour mettre au travail ces hommes ; la récupération serait appréciable, sans même mentionner l'aspect humain et le fait que seraient évitées bien des erreurs de jugement et de politique économique, assises sur une surestimation de l'élasticité de la production.

Abondance

Sous un certain angle, certaines déperditions résultent, comme pour l'individu, de l'abondance elle-même. Il est facile de montrer que, dans de nombreux cas, la recherche de la pleine utilisation de toutes les ressources entraînerait des pertes de temps et produits supérieures à l'économie que l'on entend réaliser. La multiplication des contrôles est elle-même onéreuse ; le tout est de savoir jusqu'où il convient d'aller. Peut-être le juste équilibre n'est-il pas absolument dans l'optimation économique pure, car il faut tenir compte aussi des effets morbides et délétères des déperditions, des destructions inutiles de produits. Elles donnent de la société une idée erronée et servent de support à des mouvements aussi différents que l'accroissement de la criminalité, mentionné plus haut, et l'orientation, en ce qu'elle a de défectueux, de la révolte des jeunes.