En novembre, après quelques semaines d'ébullition, les groupes parlementaires font connaître leur choix. Pour les radicaux : le Genevois Henri Schmitt. Pour les démocrates-chrétiens : le Tessinois Enrico Franzoni. Pour les socialistes : l'Argovien Arthur Schmid.

L'élection a lieu le 5 décembre 1973. Et l'Assemblée fédérale, désavouant ses propres stratèges, s'offre un triple coup de théâtre. Les trois candidats officiels sont écartés. Les 244 députés leur préfèrent le radical vaudois Georges-André Chevallaz (qui recueille 137 voix), le socialiste soleurois Willy Ritschard (123 voix) et le démocrate-chrétien zougois Hans Hürlimann (132 voix).

Les circonstances et les raisons d'un choix parlementaire sont toujours compliquées. Mais deux faits demeurent :
– les grands électeurs ont désigné des personnalités fortes plutôt que des personnalités tout court ;
– ils ont balayé les combinaisons échafaudées en coulisse. Aussi leur triple vote rencontre-t-il, d'un bout à l'autre du pays, un accueil presque unanimement favorable.

Nouveau ministre des Finances, Georges-André Chevallaz ne se fait aucune illusion sur les tâches qui l'attendent. Il affirme, dans l'heure qui suit son élection, sa volonté de réduire immédiatement les dépenses de l'État central.

Dérapage

De fait, en mars, le Conseil fédéral doit adopter un compte financier pour 1973 dans lequel le déficit s'élève à 779 millions contre 200 millions prévus au budget. Les progrès de l'assurance vieillesse et survivants ; la montée des salaires dans le secteur public ; le développement des universités et de la recherche scientifique ; la protection de l'agriculture (après de longs mois de vaines revendications, en avril 1974, les paysans obtiendront une hausse moyenne de 7,5 % du prix de leurs produits) ; et, de l'autre côté, la suppression progressive des droits de douane expliquent, parmi de très nombreux facteurs, ce dérapage.

Mais, déclare G.-A. Chevallaz, « on ne peut avoir les réalisations de la Suède avec le taux d'imposition portugais ». Formule qui annonce un plan de redressement financier passablement dur (« de la chicorée amère », dit son auteur lui-même) : il prévoit une augmentation sensible des impôts directs et indirects et (de manière plus imprécise il est vrai) l'étalement des dépenses à venir.

Pendant ce temps, le Conseil fédéral demande et redemande qu'on lui confère enfin les pouvoirs nécessaires pour maîtriser la conjoncture économique. En décembre, peuple et cantons prorogent quatre arrêtés antisurchauffe, dont l'un fonde la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices. Une surveillance plus psychologique, d'ailleurs, que réelle. Et quand Monsieur Prix, en février, propose aux employeurs et aux syndicats de s'entendre pour limiter à 10 % la hausse des salaires en 1974, il essuie, côté syndicats, un net refus : ce 10 % représente, ni plus ni moins, le taux de dépréciation de la monnaie, de sorte que cols bleus et cols blancs renonceraient, en acceptant l'accord paritaire, à toute amélioration de leur niveau de vie.

Mais, surtout, le gouvernement, condamné à demander sans cesse au peuple de ratifier des mesures exceptionnelles, voudrait voir ses compétences élargies et définies dans la Constitution. En mars, le Conseil national vote un projet très restrictif. Le Conseil des États avait été plus large. La bataille, au niveau du Parlement puis au niveau du peuple souverain, ne fait que commencer.

Xénophobes

Dans cette atmosphère un peu houleuse, des roulements d'orage (auxquels les oreilles suisses, il faut bien le dire, finissent par s'habituer) se répercutent et se prolongent sans fin prévisible : les groupements dits « xénophobes » multiplient les projets constitutionnels en vue de restreindre la proportion des étrangers.

Le plus connu de leurs chefs, le conseiller national James Schwarzenbach, dépose, le 18 mars 1974, une nouvelle initiative, plus modérée que celle de 1970 (Journal de l'année 1969-70), et qui demande, pour l'essentiel, de ramener en l'espace de dix ans le nombre des étrangers bénéficiant d'un permis d'établissement ou de séjour à 12,5 % de la population.