L'inflation semble avoir ralenti son rythme, le coût de la vie n'a augmenté que de 0,5 % depuis le début d'août.

Réalisme

Mais une menace pèse : à partir du 1er novembre, la liberté des prix est de nouveau autorisée, sous réserve de l'approbation du comité interministériel compétent. On s'attend à de fortes hausses de la viande, dont l'Italie importe de grandes quantités. Le paiement du treizième mois va mettre sur le marché 2 000 milliards de lires de liquidités, à quoi s'ajoutent 700 milliards pour l'augmentation du traitement des fonctionnaires. Bien des facteurs inquiétants s'additionnent donc au moment même où intervient la hausse brutale du pétrole arabe.

Le gouvernement dispose d'un autre atout : sans proclamer la « trêve sociale », les confédérations syndicales l'appliquent en fait. Et le parti communiste pratique une « opposition talonnante », axée sur le « réalisme ». C'est-à-dire qu'il évite en pratique de mettre le cabinet dans l'embarras. La volonté des socialistes de demeurer dans la majorité, affirmée par leur comité central de la fin d'octobre, part de la constatation qu'aucune majorité de gauche n'est possible.

Enrico Berlinguer, secrétaire général du parti communiste, précise alors la ligne de son parti au terme d'une série de trois articles consacrés à la situation chilienne, dans l'hebdomadaire Rinascita. Sa conclusion tient en deux formules : il n'y a pas de majorité de gauche possible en Italie si la démocratie chrétienne est rejetée dans l'opposition. « Nous ne parlons pas d'une alternative de gauche, mais d'une alternative démocratique. » Par conséquent, poursuit E. Berlinguer, « il est de plus en plus urgent d'aboutir à ce qu'on peut définir comme le nouveau grand compromis historique entre les forces qui recueillent et représentent la grande majorité du peuple italien », c'est-à-dire « les forces communistes, socialistes et catholiques ».

Compromis

Ce thème de compromis historique, qui, loin d'être nouveau, n'est que la formulation actuelle de la stratégie définie dès mars 1944 par Togliatti, va dès lors servir de toile de fond à toute la problématique politique : c'est en effet comme unique alternative au « choc frontal » entre les deux grands partis de masses (démocratie chrétienne et communistes) qu'elle est proposée par les faits eux-mêmes.

Aux élections municipales et provinciales partielles des 18 et 19 novembre, le centre gauche manifeste sa stabilité. Mais une échéance paraît désormais de moins en moins évitable, celle du référendum abrogatif de loi introduisant le divorce. Légalement, il est impossible de reculer la consultation qui devrait se tenir au printemps suivant. Politiquement, elle est appréhendée dans tous les camps : la gauche, surtout communiste, redoute la coupure de son électoral ; la démocratie chrétienne elle-même semble très divisée sur l'opportunité d'un tel risque, car la victoire n'est rien moins qu'assurée pour les partisans du « oui » à l'abrogation.

Logiquement, donc, il semblerait qu'un accord soit possible pour présenter et faire voter une nouvelle loi qui remplace la loi en cause. Le Vatican, fait notable, demeure très discret, assuré qu'en tout état de cause la révision du concordat n'en sera qu'accélérée.

Finalement, la démocratie chrétienne, sous l'impulsion de son secrétaire général, décide de laisser les choses aller. On ne peut guère déterminer les responsabilités précises, ni dire qui a véritablement voulu ce référendum. Ses partisans le présentent comme la plus pure manifestation démocratique de la volonté populaire. Certes, A. Fanfani va engager la campagne avec des accents très polémiques, et la politisation de l'enjeu gagne petit à petit. L'extrême droite préconise le « oui » anticommuniste, la gauche le « non » pour mettre un terme à la gestion capitaliste du pouvoir. Mais la question n'est vraiment pas là. Elle est celle de la liberté de conscience.

Référendum

Et c'est bien ainsi que la voient les Italiens, à la grande surprise de tous les partis politiques : le 12 mai, en effet, les « non » à l'abrogation l'emportent par 59 % des suffrages, proportion que nul n'attendait. Mais cette coalition des « non » est absolument hétérogène ; aucun élément ne permet d'y voir l'indice d'un bloc politique réel. Il est certain, en effet, qu'il y a eu des électeurs fascistes parmi les « non » (alors que le MSI préconisait le « oui »), et probablement des communistes parmi les « oui ».