En réalité, le climat au sein de l'équipe gouvernementale s'est lentement dégradé. Les sociaux-chrétiens (CVP flamand et PSC wallon) ne pouvaient admettre d'avoir dû, en raison de leurs divisions internes, abandonner le poste de Premier ministre (qui leur revenait depuis toujours) à un socialiste, wallon de surcroît. Le parti socialiste est en effet le seul des partis traditionnels (chrétiens, libéraux et socialistes) à échapper à la division entre Flamands et francophones.

Socialistes et sociaux-chrétiens s'affrontent dans le courant du mois de juin 1973, en Conseil de cabinet, sur les problèmes scolaires, pomme de discorde traditionnelle qui a divisé chrétiens et libres penseurs durant plus d'un siècle. Actuellement, la plupart des causes de désaccord sont d'ordre budgétaire. Ainsi, il s'agissait de :
– définir la distribution des ressources de deux Fonds de constructions scolaires ;
– régler le traitement et le statut moral des membres de l'enseignement privé ;
– préciser les avantages sociaux à accorder dans l'enseignement subventionné.

L'aspect idéologique de la rivalité traditionnelle entre enseignement catholique et enseignement officiel se retrouve dans un autre objet de querelle : la création d'écoles pluralistes, écoles où les enseignants seraient à la fois religieux ou athées, et où toutes les opinions seraient exprimées. Du côté chrétien, on veut bien admettre de telles écoles à titre d'expérience et pour autant qu'elles ne remplaceront pas l'école catholique libre. Mais les socialistes ont, pour l'école pluraliste, des ambitions nettement plus larges. Ils voient en elle le moyen d'assurer aux jeunes un enseignement non engagé, et voudraient, à plus long terme, en faire les véritables écoles neutres officielles.

Scandale

À la fin de juin 1973, décidément néfaste pour le gouvernement, la justice est saisie du dossier de la Régie des télégraphes et téléphones. L'affaire RTT se présente mal pour le directeur général Germain Baudrin, dont les attaches avec le parti socialiste sont connues.

Un ingénieur-architecte, M. Demaegt, l'accuse publiquement d'avoir des intérêts dans des sociétés avec lesquelles son administration traite, et d'avoir commis des irrégularités à l'occasion de contrats passés avec des entreprises de construction. L'affaire suscite une émotion certaine dans l'opinion publique, et le scandale rejaillit indirectement sur le monde socialiste.

Un secrétaire d'État socialiste, Abel Dubois, donne sa démission pour pouvoir mieux se défendre contre certaines allégations. Le dossier RTT fait l'objet d'une enquête du Comité supérieur de contrôle, qui saisit le procureur du roi de l'affaire. G. Baudrin est placé sous mandat d'arrêt à la fin du mois de février 1974.

La fin de la session parlementaire crée une heureuse diversion en juillet : en vingt heures, la Chambre vote 24 projets différents avant de se mettre en vacances. Les séances ont été animées par des cris de l'opposition : « Anseele, démission ! » Les partis d'opposition estiment que E. Anseele, ministre des Communications (socialiste), doit tirer les conséquences de la situation née à la RTT, mais les socialistes parviendront à différer son départ. Le gouvernement se retire durant deux jours au prieuré de Val Duchesse pour se consacrer à l'examen et à la mise en ordre du budget de l'État. À l'issue des travaux, les ministres clament leur autosatisfaction.

Le budget de 1974 sera, certes, en augmentation de 11,7 % par rapport à celui de l'année précédente et atteindra 366,15 millions de francs, mais les recettes, elles, s'élèveront à 366,53 millions de francs. Il y aura donc un boni de 500 millions de francs.

Remaniement

En septembre les ennuis politiques recommencent. Dès le début du mois, on parle, dans les milieux bien informés, d'un remaniement probable du gouvernement.

Maurice Destenay, bourgmestre PLP de Liège, décède le 2-IX-1973. Le ministre d'État était âgé de 73 ans. Édouard Close, socialiste et ministre de l'Intérieur, est candidat à la succession. Mais, quelques semaines plus tard (E. Close est resté à son poste ministériel), le Premier ministre remercie une partie de ses collaborateurs. L'équipe comptera désormais 28 membres au lieu de 36 ! Quittent ainsi le gouvernement : E. Anseele « pour des raisons de santé », M. Hannotte, PLP et ministre des Classes moyennes, et six secrétaires d'État, dont les deux seules femmes du gouvernement, MMmes Irène Pétry (PSB) et Maria Verlaekt-Gevaert (CVP), et leurs quatre collègues masculins Marcel Vandewiele (CVP), Willy Schyns (PSC), André Kempinaire (PVV) et Robert Urbain (PSB).