Se fondant sur le courant d'opinion qui avait renforcé, en novembre 1972, la coalition socialiste-libérale, W. Brandt tente de définir le SPD comme un grand parti de centre gauche porteur d'un socialisme humaniste et démocratique. Mais, dès la fin de l'été, la combativité des ouvriers de la métallurgie, qui appuient leurs revendications de salaires par des grèves sauvages, oblige le chancelier à lancer des appels à la raison peu populaires. Les Jusos, quant à eux, soutiennent les mouvements revendicatifs, ce qui accroît les frictions avec la direction du SPD.

En janvier, les Jusos, au congrès de Munich, réclament la socialisation des banques et des industries clés. En avril, après avoir invité vainement son parti à la cohésion, le chancelier lance une sévère mise en garde à l'extrême gauche, menaçant les récalcitrants d'exclusion.

Ordre

Ces luttes de faction au sein du SPD inquiètent les libéraux, qui saisissent l'occasion pour élever le ton. Détenant plusieurs ministères clés (économie, intérieur, agriculture, information), ils affirment la personnalité de leur parti et, tout en protestant de leur loyauté, ils laissent entrevoir les limites de leur collaboration avec les socialistes. En particulier, le ministre de l'Intérieur, Hans Dietrich Genscher, s'acquiert une réputation de défenseur de « la loi et l'ordre ». Il contribue activement à faire adopter en mars par le gouvernement un projet interdisant l'accès de la fonction publique aux « extrémistes ».

Face à cette évolution, l'inertie du chancelier est de plus en plus critiquée. Après le revers électoral de son parti lors du renouvellement de la diète de Hambourg, le 3 mars, W. Brandt doit faire face à une véritable fronde au sein du SPD. Helmut Schmidt, ministre des Finances, prend ostensiblement ses distances avec le chef du gouvernement, que certains souhaitent décharger d'une partie de ses tâches. Les élections communales dans le Schleswig-Holstein et en Rhénanie-Palatinat confirment la perte d'influence du SPD. En revanche, les libéraux améliorent partout sensiblement leurs positions, tandis que les chrétiens-démocrates, qui n'ont pourtant pas réglé en leur sein la querelle de la succession, progressent de façon parfois spectaculaire.

Cogestion

Socialistes et libéraux parviennent cependant à se mettre d'accord, en janvier, sur deux importants projets de réforme : l'extension de la cogestion paritaire et la formation du patrimoine. Selon le projet gouvernemental, la cogestion devrait être introduite à partir du 1er janvier 1975 dans toutes les entreprises employant plus de 2 000 salariés, soit 650 sociétés au total. Les conseils de surveillance de ces sociétés devraient se composer de 10 représentants des actionnaires et de 10 représentants des salariés, parmi lesquels un cadre supérieur. Quant au projet de formation du patrimoine, il prévoit que les sociétés dont le bénéfice, après impôt, sera supérieur à 400 000 DM devront émettre, à partir de 1976, des actions d'un type particulier pour une valeur variant de 1 à 10 % de leurs bénéfices. Ces actions seront distribuées à tous les citoyens dont le revenu imposable ne dépasse pas 36 000 DM pour les célibataires et 54 000 DM pour les couples.

Mais, lorsque, le 7 mai au matin, l'opinion allemande apprend la démission du chancelier Willy Brandt, ces projets n'ont toujours pas été adoptés par le Bundestag.

Désarroi

Le départ soudain de W. Brandt plonge les sociaux-démocrates dans le désarroi. Pourtant, la succession s'effectue rapidement et sans heurts. La République fédérale connaît alors une semaine historique : le 15 mai, Walter Scheel, ministre des Affaires étrangères, est élu président de la République en remplacement de Gustav Heinemann ; le 16 mai, H. Schmidt est élu chancelier et, le 17, il prononce sa déclaration gouvernementale. Réaliste, le nouveau chef du gouvernement limite les ambitions réformatrices de son équipe : le projet de formation du patrimoine est repoussé d'une législature, la réforme foncière est pratiquement passée sous silence et la cogestion est évoquée en termes vagues. En revanche, H. Schmidt promet que la réforme fiscale entrera en vigueur au 1er janvier 1975, et il s'engage à continuer à lutter fermement contre l'inflation.

Économie

Comme toutes les économies occidentales, celle de l'Allemagne fédérale a souffert de la crise du pétrole. Pour y faire face, le gouvernement a été amené, comme ses partenaires, à prendre des mesures d'économie, d'ailleurs assez vite levées, mais aussi à renforcer le rôle de l'État dans le secteur énergétique. Le gouvernement a approuvé le principe de la création d'une société pétrolière étatique, née de la fusion des firmes Veba et Gelsenberg, et pouvant contrôler le quart du marché intérieur.