En France, les différents prix de reprise en raffinerie sont fixés par l'État et révisés périodiquement en fonction notamment de l'évolution des prix du brut. La dernière révision, intervenue le 11 janvier 1974 (après les décisions de Téhéran), se présentait ainsi (prix hors taxes, en francs par hectolitre) :

À ces prix de reprise en raffinerie s'ajoutent les taxes à la consommation, pour aboutir au prix de vente de l'hectolitre au public.

Un léger rajustement (3,5 %) a été apporté à ces prix le 12 juin.

Sur ces chiffres, on constate la politique suivie par le gouvernement français :
– l'augmentation du prix de reprise en raffinerie a été beaucoup plus forte sur les carburants (+ 110 %) que sur le fuel lourd (+ 98 %) et surtout le fuel domestique (+ 60 %). Le chauffage des locaux, besoin social incompressible, était donc avantagé au détriment de l'industrie d'une part, du transport automobile de l'autre ;
– l'État n'a pas profité de la hausse autant qu'il l'aurait pu pour accroître ses propres recettes. Certes, la TVA, étant proportionnelle (17,60 %), augmente avec les prix, mais les autres taxes (sur les carburants) restent inchangées. Au total, la fiscalité sur les produits pétroliers s'en trouve légèrement allégée. Ainsi, elle passe de 24,10 % à 18,67 % du prix à la consommation pour le fuel domestique, et de 66,80 % à 54,91 % pour le supercarburant.

Devant ces hausses spectaculaires, il convient enfin de ne pas oublier qu'elles font suite à une longue période où les prix des produits pétroliers étaient restés stables, ou même avaient baissé, alors que l'ensemble des autres prix, notamment ces dernières années, subissait une inflation constante. En 1962, l'automobiliste payait l'essence 0,97 franc le litre, l'industriel le fuel lourd 103 francs la tonne ; aujourd'hui, ils les payent respectivement 1,62 franc et 263 francs. Mais, dans la même période, l'indice général des prix est passé de 100 à 185. En francs constants, sur quatorze ans, le fuel industriel a donc augmenté de 38 %, mais l'essence a... baissé de 11 % !

Conséquences de la hausse

L'énergie étant un besoin universel, la hausse de son prix affecte celui d'à peu près tous les biens. La hausse du pétrole aura donc des conséquences qui diffuseront dans toute l'économie. Mais mesurer ces conséquences est un véritable casse-tête. Dans le prix d'une automobile, par exemple, il faut compter non seulement le prix de l'énergie consommée par l'usine où elle est construite, mais de l'énergie incorporée dans la fabrication de l'acier, des pneumatiques, etc., et aussi dans le transport de ces divers produits – bref, à tous les étages de la production. Le pétrole, d'autre part, ne représente encore que 65 % de l'énergie consommée en France, et les prix des autres énergies (charbon, gaz naturel, etc.) ne suivent pas forcément une courbe exactement parallèle à la sienne. Enfin, la hausse des prix incite automatiquement à économiser l'énergie en réduisant les gaspillages.

Les économistes s'y sont quand même essayés. Un raisonnement simple consiste à constater que l'ensemble des énergies représente 5 à 6 % du produit national brut. Si le prix de l'énergie double (c'est ce qui s'est produit en janvier 1974 pour les produits pétroliers), la valeur du produit national serait ainsi augmentée de 5 à 6 %. À supposer que la diffusion prenne un an, le doublement du prix de l'énergie serait donc responsable du tiers environ du taux actuel de l'inflation, estimé à 16-18 % par an.

Mais ce n'est là qu'un raisonnement global ; dans le détail, les répercussions sont très différentes selon les produits dont la fabrication nécessite une plus ou moins grande part d'énergie. Selon une étude des Communautés européennes, voici quelle était, avant les hausses, la part de l'énergie (en pourcentage) dans les coûts de diverses industries :

Les plus affectés sont les matériaux de base (métaux, ciment) : il s'agit de demi-produits qu'on n'utilise pas tel quels, mais incorporés dans des produits finis. En définitive, il apparaît qu'au niveau de la consommation l'impact d'une hausse, même importante, du coût de l'énergie n'est pas tel qu'il risque de provoquer, au moins à lui seul, une accélération catastrophique du niveau général des prix. Ce qui est autant à redouter, c'est l'effet d'entraînement de la hausse du pétrole sur les prix des autres matières premières.

Le déséquilibre international

Là où les conséquences apparaissent proprement fantastiques, c'est au niveau des transferts financiers qui vont s'opérer entre pays consommateurs et pays producteurs. Les chiffres en cause sont si énormes que personne n'est en mesure de dire actuellement comment les partenaires pourront s'en sortir.