Journal de l'année Édition 1973 1973Éd. 1973

Bourse

La revanche de l'or

La vive hausse qui a ébranlé la Bourse de Paris tout au long du premier semestre 1972 n'a pas été un simple feu de paille. Sorti de sa torpeur par le retour en force des acheteurs étrangers, le marché français a su retenir ensuite l'intérêt des investisseurs internationaux en dépit du recul un moment provoqué par les incertitudes politiques.

La Bourse marque, certes, une pause au milieu de l'année 1972, la démission de J. Chaban-Delmas et la constitution du nouveau gouvernement de P. Messmer coïncidant avec le rebondissement de la crise monétaire marquée par le flottement de la livre sterling. La hausse de l'or s'intensifie sous la pression d'achats spéculatifs qui portent le cours de l'once au niveau record de 70 dollars à chacun des deux fîxings du 2 août sur le marché de Londres.

La publication des premiers résultats semestriels relance toutefois la cote de Paris pour la traditionnelle reprise d'été, sous l'impulsion des valeurs de croissance, au premier rang desquelles se situent les grandes vedettes du matériel électrique comme Moulinex, Legrand et la Radiotechnique, qui bénéficie de l'essor de la télévision en couleurs et de l'amélioration du marché des composants, mais aussi des titres tels que Carrefour, Moët-Hennessy, Ferodo, Michelin, la Générale de fonderie ou Sommer.

L'indice général de la Compagnie des agents de change culmine une première fois à 97,9 à la fin d'août, puis atteint au début du mois d'octobre le niveau de 98,3 au terme d'une hausse de 31 % en neuf mois.

Élections

Le marché est toutefois devenu vulnérable à l'heure où le problème de la hausse des prix revient à l'ordre du jour.

La Banque de France reçoit du Conseil national du crédit des moyens accrus pour lutter contre l'essor trop rapide du crédit ; la remontée du loyer de l'argent se concrétise par un double relèvement du taux de l'escompte, qui passe de 5,75 % à 6,50 % au début du mois de novembre, puis à 7,50 % à la fin du même mois ; le gouvernement étudie les mesures capables d'enrayer une inflation qui devient alarmante et annonce un grand emprunt d'État indexé sur l'unité de compte européenne.

La Bourse accuse un moment le malaise provoqué par l'affaire Aranda et le refus de la Norvège d'entrer dans le Marché commun. Ces faits ne revêtent toutefois qu'une importance mineure face à la menace qui se précise, celle des élections.

La coalition de la gauche et ses objectifs de nationalisation n'avaient guère été pris au sérieux. Il n'en est plus de même au vu des résultats des premiers sondages. C'est au rythme de ces sondages que va vivre le marché jusqu'à la fin de l'année, toute nouvelle progression de la gauche étant saluée d'un nouveau recul de la cote. En trois mois l'indice général perd 12,3 % et revient à 85,8, niveau légèrement inférieur à celui de fin juin.

Le volume d'affaires demeure pourtant satisfaisant, largement supérieur à 200 millions de francs par séance, et le succès de l'introduction boursière de Bic confirme l'abondance des capitaux disponibles. L'opération se déroule dans un climat passionné, avec une demande telle que les ordres d'achat ne peuvent être servis qu'à concurrence de 8 % au cours initial de 880 F. Les quelque 7 millions de titres demandés les premiers jours représentent sur cette base plus de 6 milliards de francs.

Le recul n'en est pas moins réel, accentué en outre par l'attrait nouveau exercé par New York, où l'indice Dow Jones des valeurs industrielles déborde largement en novembre le cap des 1 000 dans l'espoir d'un règlement du conflit vietnamien. Il retombe à ce niveau lorsque les négociations semblent dans l'impasse au mois de décembre, rebondit à 1 050 en janvier, à la veille du cessez-le-feu. Il est alors de bon ton d'investir à Wall Street, et nombre d'analystes et gérants de portefeuilles, à Paris du moins, fuient le risque politique local pour se porter sur le marché américain.

Dollar

L'initiative ne sera malheureusement pas concluante. Wall Street fléchit dès la seconde moitié de janvier, l'indice Dow Jones revenant de nouveau à 1 000 à la fin du mois, à 950 à la fin de février, en dessous de 900 en mai puis en juin, au moment de l'affaire du Watergate.