En France, après l'effort d'équipement exceptionnel fourni en 1972, 1973 a donc renoué avec la facilité. Certes, la progression des dépenses d'équipement serait moins faible si l'on tenait compte des 2,3 milliards de francs mis de côté au Fonds d'action conjoncturelle (lequel n'avait pas été utilisé depuis 1971) ; mais, avec la priorité donnée à la lutte contre l'inflation, il est très peu probable que ces crédits soient débloqués en cours d'année. Des blocages supplémentaires sont au contraire possibles dans l'espoir de ralentir l'inflation.

De la sorte, il devient à peu près certain que les objectifs du VIe Plan en matière d'équipements collectifs (un rattrapage était prévu) ne seront pas réalisés. Il faut d'ailleurs distinguer entre les équipements collectifs sociaux – les plus défavorisés – et les autoroutes et le téléphone qui bénéficient d'un traitement de faveur grâce à l'accès qu'on leur ménage à l'épargne privée.

Débudgétisation

Les entreprises publiques ont également souffert en 1973 de la nette réduction des prêts accordés par l'État (et le Fonds de développement économique et social – FDES – en particulier) : celles-ci sont incitées à se financer auprès de l'épargne privée (mais sans accès privilégié)... à moins qu'elles ne relèvent leurs tarifs ou freinent leurs investissements – cette dernière solution paraissant la plus probable.

Cette tendance à recourir au financement privé, qui s'accompagne d'autres transferts de charges (aux caisses d'épargne d'une partie de la construction des HLM, à la Sécurité sociale de certaines dépenses d'assistance...), est typique de la politique de « débudgétisation » poursuivie par V. Giscard d'Estaing.

Paradoxe

A priori, il ne semblait pas facile de financer cette masse de dépenses, qui a désormais dépassé le seuil des 200 milliards de francs. Mais la forte croissance envisagée (les 5,8 % prévus à l'automne par les experts du ministère des Finances ont été relevés au printemps à 6,1 %) et l'inflation plus forte encore (après le répit assuré au premier trimestre de 1973 par la baisse de la TVA, le coût de la vie s'est remis à galoper au rythme de 7 % l'an) garantissent des rentrées fiscales très abondantes. Là réside d'ailleurs un paradoxe : l'effet d'une croissance des dépenses plus ou moins égale à celle de la production en valeur est-il vraiment neutre, dès lors que cette croissance incorpore la hausse des prix ?

Le fait est que l'inflation rapporte dorénavant plus à l'État que l'expansion en volume de l'économie. Rappelons que chaque point supplémentaire de hausse des prix rapporte plus d'un milliard de recettes fiscales. D'où la perspective de nouvelles plus-values fiscales, qui ont fait accepter d'un cœur léger le trou de 7,5 milliards de francs creusé, en janvier 1973, par la baisse de la TVA perçue sur la consommation.

Un emprunt national a pourtant été lancé, en janvier, qui a rapporté quelque 6,5 milliards. Mais il s'inscrivait davantage dans le cadre du dispositif anti-inflationniste du gouvernement qu'il n'était justifié par les besoins du Trésor public, exceptionnellement à l'aise (il a remboursé toutes ses avances à la Banque de France).

Recettes

La loi de finances pour 1973 a pourtant prévu quelques recettes complémentaires : les prix de l'essence et de la vignette automobile, par exemple, ont été relevés. En sens inverse, pour que la hausse des prix n'entraîne pas à elle seule une aggravation de l'impôt sur le revenu, les tranches du barème de cet impôt ont été relevées d'environ 5 %. Les majorations exceptionnelles sur les revenus élevés, décidées en 1968, ont même été définitivement supprimées. V. Giscard d'Estaing a également poursuivi l'allégement de l'impôt sur les non-salariés : en 1973, ceux-ci bénéficient intégralement de la réduction de 5 % du revenu imposable jadis accordée aux seuls salariés. D'autres catégories sociales (familles, handicapés, veuves, orphelins...) ont, il est vrai, grâce à des prestations revalorisées, touché les derniers dividendes de la nouvelle société.

Déficit

Après un remaniement d'aussi grande ampleur que la baisse de la TVA en janvier, il est difficile de se prononcer sur l'exécution de la loi de finances pour 1973. Malgré l'abondance prévisible des plus-values fiscales, un déficit de plusieurs milliards de francs est probable, surtout compte tenu du coût du programme social du second gouvernement Messmer formé après les élections. Mais il faut garder à l'esprit qu'un tel déficit, de l'ordre de 0,5 % du PNB de la France (1 % correspond à 10 milliards de francs), serait de toute façon très modéré par rapport à l'étranger (le déficit va de 1 % en Allemagne à 3 % aux États-Unis, 6 % en Italie et 8 % en Grande-Bretagne).