C'est aussi un système prétechnologique : « Le modèle académique encore en honneur dans tant de pays, souligne Edgar Faure, et qui a produit, dans certaines conditions d'époque et de société, les résultats que l'on attendait de lui, se trouve aujourd'hui démodé et dépassé, non seulement à l'égard des classes populaires, mais pour l'usage même de la jeunesse bourgeoise en faveur de laquelle il avait été précédemment conçu... Il est exagérément théorisé et mémorisé. Il privilégie l'expression écrite, répétitive et conventionnelle au détriment de l'expression orale, de la spontanéité et de la recherche créative... Il marque pour l'abstraction une préférence qui semble traduire le préjugé social de l'aristocratie au détriment des applications, considérées comme serviles, à la manière dont Platon condamnait les fondateurs de la mécanique. »

C'est enfin un système clos dans le temps (l'enfance) et dans l'espace (l'école). « Éducation = école : tel est le dogme fondamental des systèmes éducatifs modernes », affirme la commission au chapitre De quelques idées reçues : « ... cette identification de l'école à l'éducation persistera tant que ne se sera pas implantée l'idée d'une éducation imprégnant le devenir des individus tout au long de l'existence, en même temps que se dégagera de plus en plus nettement l'image de l'éducation en tant que projet continu de la société tout entière ».

Humaniste

En vérité, ces différents traits, qui donnent à l'entreprise éducative le seul visage de l'institution scolaire, fondée à la fois sur l'autorité et sur l'éloignement de la vie, commandent la finalité actuelle de l'enseignement : il tend surtout – si l'on accepte, comme la commission, de schématiser quelque peu – à préparer les représentants d'une classe de la société à occuper les fonctions dirigeantes, au terme d'une formation professionnelle plus humaniste que scientifique, et conduit à réserver au reste de la population les emplois peu qualifiés.

Apprenons à être

Or, l'ouverture de l'école à un nombre toujours plus grand d'enfants et d'adolescents, liée notamment à un fort accroissement démographique, loin de modifier le système, l'a fait éclater. Aussi l'immense effort budgétaire dont l'augmentation – quoique ralentie depuis quelques années – est supérieure à celle du PNB mondial (Chine non comprise) ne répond-il pas aux problèmes posés.

L'institution scolaire continue d'être au service d'une minorité de jeunes ; les autres, ou bien disparaissent avant la fin de leurs études (la déperdition scolaire est très forte), ou bien ne trouvent pas, le moment venu, l'emploi correspondant à leur qualification.

Dès lors, pour satisfaire le plus grand nombre, l'éducation doit renoncer, estime Edgar Faure, à l'« automatisme diplôme-emploi que l'économie de beaucoup de pays (même développés) ne pourra pas toujours garantir ».

L'école, ajoute-t-il, offre actuellement le grave défaut de « ne préparer qu'à un nombre de professions limité et d'interdire à ses lauréats, en cas d'insuffisance d'emplois, la possibilité de se consacrer, fût-ce temporairement, à des tâches techniques et pratiques dont on leur a d'ailleurs enseigné le dédain... La motivation fondée sur l'emploi, si elle est incapable d'assurer une véritable démocratisation, présente aussi le lourd inconvénient d'accréditer l'idée que tout diplôme crée le droit à un emploi de qualification correspondante. La correspondance entre un niveau d'instruction déterminé et un niveau d'occupation et de rémunération garanties répond à la logique du système traditionnel, puisque l'accès en est limité et puisque, de surplus, l'éducation est tenue pour un effort difficile, voire ennuyeux, qui ne porte pas sa récompense dans la joie et qui exige donc un paiement à terme... »

L'objet de l'enseignement doit être ainsi « non pas tant de préparer les jeunes et les adultes à un métier déterminé, pour la vie, que d'optimiser la mobilité professionnelle et de susciter en permanence le désir d'apprendre et de se former ». L'homme, être inachevé, doit par l'éducation « apprendre à être », selon le titre du rapport.

Cité éducative

De ce principe découle l'idée maîtresse proposée par la commission : la formation permanente.