D'une façon moins violente et spectaculaire, la communauté du Maroc semble avoir été fortement ébranlée par la crise qui secoua le pays après l'attentat manqué contre le roi du Maroc. Le général Oufkir s'était souvent montré comme le protecteur naturel des Juifs. Le roi Hassan II affirma à son tour énergiquement son désir de paix civile ; mais la communauté juive du Maroc redoute qu'il ne puisse toujours tenir ses promesses. Un lent exode commence, là aussi.

URSS

Le problème des Juifs d'URSS conserve toute son acuité. Le droit à l'émigration continue d'être refusé aux masses juives. Arrestations, placements en hôpital psychiatrique et procès se sont poursuivis toute l'année. Aux mesures de coercition déjà prises antérieurement, le gouvernement soviétique en ajouta une nouvelle, particulièrement subtile : une taxe de sortie, véritable rançon, correspondant à de nombreuses années de salaire, et dont aucun Juif d'URSS n'aurait pu s'acquitter. Le prétexte à cette taxe était le remboursement des frais d'études.

Cette mesure provoqua des protestations universelles. Les parlementaires du Conseil de l'Europe demandèrent solennellement à l'URSS de l'abolir. Après des mois de refus, l'URSS se vit contrainte de renoncer à la taxe, et ce, dans des conditions particulières : le Congrès des États-Unis menaça de ne point entériner d'importants accords commerciaux si l'URSS persistait dans son attitude.

C'était une victoire triomphale pour la communauté des États-Unis et un exemple, presque sans précédent, du poids dont certains problèmes juifs spécifiques pouvaient peser dans la grande politique. Ce problème eut d'ailleurs quelques incidences sur la politique française également ; c'est ainsi que François Mitterrand annula un voyage à Moscou en signe de protestation contre la politique antijuive du Kremlin.

Grand Rabbinat

On retiendra aussi l'élection de nouveaux grands rabbins dans divers pays. À Moscou, le rabbin Jacob Fischman succède au grand rabbin Levine. Surtout, l'élection de deux nouveaux grands rabbins d'Israël devrait apporter d'importantes mutations au sein du judaïsme israélien.

Le grand rabbinat d'Israël est bicéphale. Deux grands rabbins y représentent, l'un la communauté d'origine occidentale – les Ashkenazim –, l'autre la communauté d'origine orientale – les Sefardim – ; on sait que les deux communautés ont leurs rites, leur liturgie, quelquefois leur jurisprudence propres. Le grand rabbinat d'Israël, bien que contesté par les juifs intégristes, jouit dans le monde entier d'une réelle autorité morale. Il se situe également dans le cadre complexe des relations qui unissent en Israël la Synagogue et l'État.

Aussi bien, la nomination d'un grand rabbin est-elle entourée de difficultés de tous ordres. Ce n'est qu'après de vives polémiques que les deux nouveaux grands rabbins, Shlomo Goren pour les Occidentaux, Obadyah Yossef pour les Orientaux, ont été élus. La personnalité du premier pouvait difficilement passer inaperçue. Le grand rabbin Shlomo Goren est un rabbin de choc. Ancien parachutiste et aumônier général de l'armée d'Israël, il fut de ceux qui parvinrent les premiers au Mur occidental, lors de la bataille de Jérusalem, et y sonna du chofar – la corne de bélier – en signe d'avènement des Temps messianiques. Remarquable érudit, il passe pour libéral sans s'être jamais départi d'une stricte orthodoxie. Mais, préoccupé par le problème de la compatibilité des lois juives avec les exigences de la vie d'un État moderne, il a su déployer des trésors de casuistique pour atténuer les vives oppositions que la confrontation des exigences des unes avec les nécessités de l'autre faisaient naître fréquemment. Tout récemment il avait su trouver une solution au problème épineux des bâtards (Journal de l'année 1971-1972).

S'il existe en Israël une minorité orthodoxe quelque peu effrayée par son audace, la majorité des Juifs lui porte des sentiments d'admiration qui devraient faciliter sa tâche. Son homologue, en revanche, apparaît beaucoup plus conservateur, et il servira sans doute de contrepoids au grand rabbin Goren.

Tournant

En France, sans conteste, l'événement le plus important s'est situé dans le contexte des relations judéo-chrétiennes. Le jour de la Pâque juive, le 17 avril 1973, le comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme publia une retentissante déclaration. Dans bien des domaines du contentieux judéo-chrétien, ce texte manifestait un désir de tolérance, d'ouverture et de compréhension qui dépassait tout ce que l'Église avait officiellement affirmé jusqu'alors.