Le cinéma français dans son ensemble reste prisonnier de quelques archétypes : le film policier (ou plus exactement le film de truands), la comédie de mœurs (avec toutes les variations possibles sur les heurs et malheurs du couple), la gaudriole de patronage (avec les comiques de service). Une nouvelle catégorie risque de s'implanter : le policier à résonances politiques. Spécialiste habile, Yves Boisset, dans L'attentat, illustre l'affaire Ben Barka en tirant parti de ses diverses péripéties, mais oublie en chemin l'essentiel de son propos et disperse l'attention du spectateur sur mille pistes anecdotiques. Le film politique ne dépasse ainsi jamais le niveau d'un simple thriller. Quant à L'an 01, qui a fait les beaux soirs du Quartier latin, c'est un pétard mouillé lancé flegmatiquement à la face de la société de consommation contemporaine. Il y a moins d'amateurisme et plus de force rageuse et anarchiste dans Themroc de Claude Faraldo. Quant à Costa-Gavras, il a mis fin avec État de siège (après Z et L'aveu) à sa série courageuse contre l'intolérance, la répression et le totalitarisme.

Le grand succès commercial du Grand blond avec une chaussure noire, d'Yves Robert, comme de Quelques messieurs trop tranquilles, de Georges Lautner, aimables divertissements qui ne tombent jamais dans le piège de la vulgarité (où s'englue Michel Audiard avec Elle cause plus, elle flingue), prouve qu'il y a en France un public fidèle pour la comédie. L'éclipsé momentanée de Louis de Funès a permis aux Charlots de s'imposer avec Les bidasses en folie, mais les produits hâtivement préparés pour profiter du vent favorable (Les dieux du stade, Les Charlots font l'Espagne) n'ont pas paru cette saison transporter d'enthousiasme leurs supporters les moins délicats. Raymond Devos (La raison du plus fou de François Reichenbach) a fait une entrée discrète mais remarquée dans le cercle restreint des amuseurs – bien que son humour noir très particulier paraisse davantage fait pour la scène que pour l'écran.

Les surprises et les déceptions sont venues des vétérans de la nouvelle vague. Chabrol, après un sinistre Docteur Popaul, continue son exploration cruelle des mœurs de la bourgeoisie provinciale (Les noces rouges). François Truffaut, dont il vaut mieux vite oublier Une belle fille comme moi, surprenant de vulgarité, a reconquis public et critique grâce à La nuit américaine, peinture sensible et sincère des milieux de cinéma. Éric Rohmer, toujours brillant et littéraire (dans le meilleur sens du terme), a achevé ses Contes moraux par L'amour l'après-midi. C'est dans le sillage de ces aînés qu'il faut placer Jean Eustache dont La maman et la putain a suscité quelques remous au Festival de Cannes. Œuvre narcissique et complaisante, ce film brille néanmoins par d'authentiques vertus cinématographiques et rend supportables des acteurs (J.-P. Léaud, Bernadette Laffont) qu'on a vus plus mal à l'aise chez d'autres cinéastes.

Claude Sautet, dans César et Rosalie, a brodé quelques piquantes variations autour d'un thème usé (Lui, Elle et l'Autre). Grâce au jeu d'Yves Montand, de Romy Schneider et de Sami Frey, c'est un peu plus qu'un vaudeville moderne ; c'est déjà une porte ouverte vers l'analyse psychologique et le conflit de la réalité et du rêve.

On a beaucoup vu sur les écrans une dizaine d'acteurs qui ont parfois par leur seule présence assuré le succès d'un film. Retour au star system ou engouement passager ? Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais Alain Delon (Un flic, Traitement de choc, Le professeur, Scorpio, Les granges brûlées), Jean-Paul Belmondo (Dr Popaul, La scoumoune, L'héritier), Michel Piccoli (L'attentat, La grande bouffe, La femme en bleu, Les noces rouges, Themroc, Le charme discret de la bourgeoisie), Jean-Louis Trintignant (La course du lièvre, Un homme est mort, L'attentat), Yves Montand (César et Rosalie, Le fils, État de siège), Philippe Noiret (L'attentat, La grande bouffe, Poil de Carotte, Le serpent, Le trèfle à cinq feuilles), Annie Girardot (Elle cause plus, elle flingue, Traitement de choc, Il n'y a pas de fumée sans feu) ont dominé la production française (et même parfois internationale), sans oublier Michel Bouquet, Jean-Pierre Léaud, Lea Massari, Romy Schneider, Lino Ventura, Bernadette Laffont.